Entre mobilisation symbolique et occasion manquée, la manifestation des auto-écoles du 29 septembre à Paris n’a pas eu l’ampleur espérée. Si les 500 véhicules présents et la venue de 200 inspecteurs ont permis de médiatiser la colère de la profession, l’absence massive d’acteurs franciliens et la faible participation par rapport aux attentes ont laissé un goût d’inachevé. Entre espoir de se faire enfin entendre et résignation face aux contraintes économiques et réglementaires, la profession continue de retenir son souffle.
Une mobilisation en demi-teinte à Paris
Le 29 septembre, un cortège d’auto-écoles s’est élancé des portes de Paris pour dénoncer la pénurie de places d’examen et les dysfonctionnements du système. Environ 500 véhicules ont fait le déplacement depuis toute la France, majoritairement depuis les régions. On est pourtant très loin des 3 000 voitures annoncées avant la manifestation, et la comparaison avec la mobilisation de 2019 place d’Italie fait mal : à l’époque, les images d’une marée de voitures d’auto-écoles avaient marqué les esprits.
Particularité notable cette année : les écoles de conduite d’Île-de-France ont été les grandes absentes du rassemblement. En revanche, les réseaux ECF et CER avaient mobilisé leurs adhérents, assurant une présence remarquée dans le cortège. En parallèle, environ 200 inspecteurs du permis de conduire et de la sécurité routière (IPCSR) s’étaient donné rendez-vous devant les locaux de la DSR, rue des Pyrénées, avant de rejoindre à pied la place de la Nation.
Malgré une couverture médiatique importante, les ressentis sur place oscillaient entre satisfaction d’avoir été visibles et frustration face à une mobilisation jugée trop timide.
Une profession qui se plaint, mais se déplace peu
Le paradoxe est frappant : selon notre dernier sondage, 75 % des auto-écoles déclarent subir fortement le manque de places d’examen, mais la majorité n’a pas jugé possible ou utile de se rendre à Paris pour l’exprimer publiquement. Les raisons sont multiples :
- Les contraintes économiques : pour beaucoup de structures, fermer une journée signifie perdre un chiffre d’affaires. Certaines trésoreries déjà déficitaires ne permettent pas ce luxe.
- La pression de RDVpermis : une auto-école qui arrête de produire pendant une journée ne cumule par d’ETP ce jour-là et perdra des droits à examen sur les mois suivants. Dans un contexte de pénurie, certains réfléchissent à deux fois.
- Un mot d’ordre qui divise : si la profession est unanime sur la nécessité de recruter 150 inspecteurs supplémentaires et 20 délégués (89% des auto-écoles y sont favorables selon notre dernier sondage), elle est beaucoup plus divisée sur la revendication d’un plancher de formation à 28 heures. Seule une auto-école sur deux y est favorable. Ce flou a limité l’implication.
Dernière piste d’explication, les mesures mises en place par le plan Buffet ont permis de « détendre très légèrement » la situation avec la production de 11 785 places supplémentaires. Certains acteurs semblent avoir la mémoire courte et oublient un peu vite la pénurie des mois passés.
On retiendra une mobilisation réelle mais insuffisante pour peser autant qu’en 2019. Le message est passé, mais sans la force du nombre.
Les raisons de ne pas abandonner
Malgré cette participation en demi-teinte, les signaux envoyés par l’administration sont plutôt encourageants. Ce matin, mardi 30 septembre, les représentants des écoles de conduite ont été reçus au ministère de l’Intérieur par le directeur de cabinet Xavier Pelletier, la Déléguée interministérielle par interim Michèle Lugrand et le conseiller Louis de Caqueray.
Le directeur de cabinet de François-Noël Buffet, a rappelé qu’en période de gestion des affaires courantes, le gouvernement ne peut pas engager de dépenses nouvelles. Mais il a ouvert plusieurs portes :
- Mise en place de réunions régulières avec la DSR pour améliorer le partage des données territoriales ;
- Ouverture d’un dialogue sur différents leviers réglementaires permettant de lancer des réformes ou expérimentations sans attendre une loi ;
- Engagement à structurer le travail avec le futur parlementaire chargé de la mission flash.
Cette mission flash, censée analyser les blocages et proposer des pistes de réforme, ne portera de « flash » que le nom. Ses conclusions ne sont pas attendues avant 2026, et les premières mesures ne devraient voir le jour qu’au printemps prochain.
Les différents acteurs de la professions ont quelques semaines pour rendre publiques leurs propositions. Ces propositions devront être simples, efficaces (pour réduire les délais de présentation, donc étayées par des chiffres concrets), socialement acceptables (ne pas rendre le permis de conduire plus cher) et fiscalement soutenables (ne pas rajouter un poids trop important que les finances publiques).
Euh 200 inspecteurs? On n’a pas vu la même chose…
La profession est résigné ou réaliste ?
Qu’on le veuille ou non l’Etat a délibérément décidé de rationner le volume de places que chaque auto-école peut escompter obtenir chaque mois. Le but est évident: pousser à monter le niveau des formations pour moins d’échecs. Compte tenu des efforts faits depuis bientôt 20 ans pour réduire la difficulté d’une épreuve qui n’est aujourd’hui plus qu’un simulacre d’examen, on peut comprendre que l’Etat siffle la fin de la récréation. A trop tendre la main et assister, il finit par y avoir de l’abus. Ce principe, pourtant universel, est volontairement ignorer par une partie de la profession qui globalement concentre sur le business au détriment de la mission de formation. D’où l’insistance à obtenir la portabilité du CPF, l‘augmentation du volume minimal de formation etc…
Et c’est encore pire depuis l’arrivée des plateformes ! Leurs performances ne laissant aucun doute quant à leurs objectifs « déontologiques »… On soulignera l’irresponsabilité totale de l’Etat quand il a décidé de laisser entrer ces « disrupteurs » dans le monde de la formation. Là où c’est dur à avaler c’est qu’après avoir allumer l’incendie, il tente désormais de l’éteindre en mettant un couteau sous la gorge de tout le monde y compris ceux qui ont toujours mis en avant l’enseignement.
Le bilan de ces décisions idiotes est qu’un examen sur deux se solde par un échec et dans l’immense majorité des cas pour des fautes lourdes inacceptables de la part de postulant au permis de conduire. Les ajournements pour de soi-disantes peccadilles ne relevant que du mythe et de la malhonnêteté intellectuelle.
Le niveau est en chute libre et après quelques années de ce régime, les effets négatifs sur les routes commencent à se faire sentir. Les comportements et l’accidentologie se dégradent.
Dans conditions on ne peut que comprendre la position de l’Administration. Payer des IPCSR pour qu’ils passent la moitié de leur temps à évaluer des candidats qui n’ont rien à faire en examen n’a aucun sens et faciliter encore plus l’épreuve serait délirant tellement le niveau est déjà très faible. Ça aurait encore moins de sens tant on sait que les candidats (et formateurs) s’adaptent aux conditions qui leurs sont imposées.
La manifestation a peu mobilisé car les doléances n’ont pas beaucoup de sens. Elles ne font que rajouter une couche a la situation actuelle et n’ont donc que très peu de chances d’émouvoir les pouvoirs publics. Il faut être lucide, au pire nous n’obtiendrons que quelques mesurettes pansements mais rien qui remette le système sur les rails.