Mardi 14 octobre, le gouvernement présentait son projet de loi de finances (PLF) pour l’année 2026. Un document qui détaille les orientations budgétaires du pays pour l’année à venir et qui doit faire l’objet d’un vote du Parlement d’ici la fin de l’année. Ce PLF comporte un article relatif à l’aide aux apprentis et un article concernant le CPF.
Suppression de l’aide aux apprentis
Le projet de loi de finances 2026 prévoit la suppression de l’aide de 500 € accordée aux apprentis pour la formation au permis de conduire (article 80). Le gouvernement justifie cette mesure en expliquant que « cette aide induit une rupture d’égalité vis-à-vis des autres étudiants qui n’en bénéficient pas et n’est ni conditionnée au niveau de ressources de l’apprenti, ni ajustée en fonction des autres aides qu’il perçoit ». Il estime également que cette aide crée une « superposition avec de nombreux dispositifs existants », tels que le permis à un euro par jour, le compte personnel de formation (CPF) ou les aides locales.
Ce dispositif, en vigueur depuis le 1er janvier 2019, était pourtant soumis à de strict conditions (arrêté 2019-1). Selon le rapport d’activité de France Compétence pour l’année 2024, environ 73 000 apprentis ont pu bénéficier de ce dispositif l’an passé (sur les 942 000 apprentis en contrat d’apprentissage).
Cette mesure permettrait à l’État d’économiser 36,5 millions d’euros par an à partir de l’an prochain. Un impact relativement faible si l’on prend en compte le chiffre d’affaires du secteur (2,2Mds€) et le fait que les apprentis peuvent effectivement bénéficier d’autres aides : aides locales, régionales et CPF (dès l’âge de 15 ans, par dérogation).
Vers une nouvelle limitation du recours au CPF ?
Un second article du PLF 2026 pourrait concerner les financements des formations au permis de conduire. Il s’agit de l’article 81 « Diverses mesures relatives à la régulation du financement du compte personnel de formation (CPF) ». L’objectif de cet article est de s’attaquer aux formations non certifiantes (comme le bilan de compétences). Cependant, une phrase dans l’exposé des motifs laisse entendre que les formations au permis de conduire seront également concernées.
D’une part, afin de remettre en cohérence le CPF avec ses objectifs initiaux et de maîtriser plus efficacement ses dépenses, une régulation des actions non certifiantes est nécessaire au regard de l’importance de ces dernières.
Une prise en charge partielle de ces actions, à l’instar du permis de conduire et de la validation des acquis de l’expérience (VAE), est adaptée et cohérente avec l’ambition du CPF, ces dernières menant respectivement à un passage d’examen et à l’obtention d’une certification professionnelle.
Que les choses soient claires, le gouvernement ne prévoit pas de retirer les formations aux permis de conduire des formations éligibles au CPF. En revanche, il parle d’une « prise en charge partielle ». La formulation est relativement ambiguë et mériterai d’être clarifiée. En effet, les formations au permis de conduire (comme l’ensemble des formations) sont déjà prises en charge partiellement, depuis l’instauration d’un reste à charge de 100€ en 2024.
Plus loin, il est précisé :
Le projet d’article propose ainsi d’introduire la possibilité de plafonner le montant des droits inscrits mobilisables au titre de ces actions au II de l’article L. 6323-6 du code du travail et d’exclure les bilans de compétences de l’éligibilité au CPF.
L’article L. 6323-6 du code du travail, dans son paragraphe 2, fait explicitement référence aux formations au permis de conduire. Ces informations, si elles étaient vérifiées, viendraient confirmer ce que disait un article des Échos du mois de juillet 2025 intitulé Formation professionnelle : vers un nouveau coup de rabot sur le CPF. Ce même article donnait des chiffres concrets « Le permis de conduire auto pourrait aussi être passé à la toise, avec deux seuils envisagés, 700 ou 1.000 euros, sachant que le prix catalogue moyen était de 1.260 euros pour 25 heures l’année dernière. »
Quelles conséquences ?
La suppression ou la diminution des aides financières est une mauvaise nouvelle pour leurs bénéficiaires… et en particulier pour les candidats les plus modestes. Pour les auto-écoles, ces mesures devraient avoir un impact relativement limité. En effet, d’après une étude de la DARES (Ministère du Travail et de l’Emploi) de mai 2025 :
- Près des 2/3 des élèves ayant recours au CPF seraient prêts à autofinancer leur formation si le CPF n’existait pas. « Si le CPF n’existait pas, 64 % des entrants auraient tout de même préparé le permis (en le finançant eux-mêmes ou par d’autres moyens – aide de la famille, emprunt, aide d’autres acteurs institutionnels, etc.) » (page 3 de l’étude)
- La majorité des candidats financent déjà partiellement leur formation. « 70 % des individus terminant une formation au permis B via le CPF en novembre 2021 déclarent que seule une partie de leur préparation au permis est financée grâce à ce dispositif » (page 3 de l’étude)
- Le coût médian des formations Permis B financées par le CPF est de 1395€. En cas de financement partiel, les montants à autofinancer seraient relativement faible pour la moitié des candidats.
Cette étude, très intéressante, comporte énormément de données chiffrées sur les formations au permis B financées par le CPF. Sa lecture est vivement recommandée.
Un mal pour un bien ?
La réduction des aides financières pour le permis de conduire risque d’avoir un impact inégal selon les publics. En première ligne, on trouvera les personnes disposant des revenus les plus modestes. L’accès à la formation leur sera plus compliqué. Faute de pouvoir avancer une part du coût, certaines repousseront leur inscription, voire renonceront temporairement à passer le permis. Les autres, disposant de davantage de moyens ou éligibles à d’autres dispositifs d’aide — non concernés par cette réforme — continueront de se former sans difficulté majeure. Le risque est donc de creuser une forme d’inégalité dans l’accès à la mobilité.
Mais cette baisse des aides pourrait avoir des effets bénéfiques. De nombreuses auto-écoles ont constaté que les élèves finançant leur formation via le CPF étaient généralement moins impliqués que ceux finançant sur fonds propres ou via d’autres dispositifs. Manque d’assiduité, retards, difficulté à terminer le volume d’heures prévu… Certaines structures se retrouvent même avec des dossiers impossibles à finaliser et des difficultés de paiement de la part de la Caisse des Dépôts. En réduisant l’attractivité du CPF, ces mesures pourraient mécaniquement dissuader les inscriptions opportunistes. À terme, cela pourrait contribuer à résorber la pénurie de places d’examen et à réduire les délais d’attente, problème majeur dans de nombreux départements.
Pour les auto-écoles, ces évolutions doivent servir d’alerte. La dépendance à un type de financement représente un danger majeur. Une structure dont 70% du chiffre d’affaires dépend du CPF est très fragile : elle dépend d’un seul financeur, et donc d’une règle administrative qui peut changer du jour au lendemain. Comme le dit l’adage populaire, « il ne faut pas mettre tous ses œufs dans le même panier ». Les auto-écoles doivent engager une réflexion sur la diversification de leurs sources de revenus : financement personnel, aides locales et régionales, partenariats avec des entreprises, paiements échelonnés, etc. Plus une auto-école sera capable d’équilibrer ses canaux de financement, moins elle subira les décisions politiques à venir.