Montmorency : un gérant d’auto-école attaque la préfecture en référé et dénonce le « name and shame »

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Préfecture du Val d'Oise présomption innocence

À Montmorency, dans le Val-d’Oise, une petite auto-école fait face à une tempête administrative et médiatique. Son gérant, Saad, conteste vigoureusement une publication de la préfecture sur les réseaux sociaux qui le met en cause pour travail dissimulé. L’affaire, loin d’être anodine, soulève une question de fond : une préfecture peut-elle pointer du doigt une entreprise sans décision de justice préalable ?

Une mise en cause publique très médiatisée

Tout commence le 25 mars, lorsque la préfecture du Val-d’Oise publie un message sur Facebook, dans lequel elle dénonce des pratiques de travail dissimulé au sein de l’auto-école PLC. Ce message est accompagné d’une photo prise devant l’établissement lors du CODAF, et relayé massivement. Pour le gérant, cette publication constitue un véritable name and shame, injuste et préjudiciable : « On me fait passer pour le plus gros fraudeur du coin alors que je travaille seul », déplore-t-il.

Le message a généré plus de 12 000 vues sur X (anciennement Twitter). Une notoriété soudaine et imposée, que Saad estime extrêmement nuisible pour son activité et son image. Avec son avocat, Me Raphaël Cabral, il a décidé de saisir le tribunal administratif pour contester la publication et exiger un droit de réponse.

Un contrôle surprise dans des circonstances troubles

Ce jour-là, le gérant n’était pas présent dans son local. Ce sont des agents de la Direction départementale de la protection des populations (DDPP), de la police judiciaire et des représentants du BER qui ont investi les lieux, en présence de sa fille de 16 ans, alors en train de réviser ses cours. « C’étaient les vacances scolaires et mon client, qui est divorcé, avait la garde de sa fille cette semaine-là, explique Me Raphaël Cabral cité dans un article du Parisien. Elle était en train de réviser ses cours sur son ordinateur dans les locaux de l’auto-école. » La lycéenne est convoquée au commissariat d’Enghien-les-Bains, où elle devra s’expliquer sur des faits de « travail dissimulé »

Choquée, l’adolescente a été interrogée comme témoin dans cette procédure. « C’étaient les papiers de son inscription scolaire qu’ils ont pris », explique le père, bouleversé par ce qu’il considère comme un usage abusif de l’autorité.


Dans le communiqué de la préfecture, il est reproché à l’auto-école de ne pas avoir présenté de contrats de formation signés avec les élèves. Pour le porte-parole des services de l’État, cela constitue une infraction caractéristique du travail dissimulé. Le gérant, qui travaille seul, reconnaît un manque d’organisation mais conteste fermement les accusations : « Je travaille seul, je n’ai pas de secrétaire et je reconnais que j’ai été un peu dépassé, mais j’ai tout mis à jour en seulement une demi-journée, ce n’était pas grand-chose. Mobiliser autant de moyens, juste pour ces éléments administratifs, je ne comprends pas… ».

Des conséquences économiques lourdes

Depuis cette publication, l’auto-école est privée d’accès à la plateforme nationale qui permet de réserver des créneaux d’examen du permis de conduire. « Depuis la mi-mars, je n’ai plus accès à rien », déplore le gérant, qui explique ne plus pouvoir inscrire ses élèves. Une situation critique, dans un contexte de forte tension sur les places d’examen en Île-de-France. Comme beaucoup d’auto-écoles indépendantes, il dépend de ces réservations pour maintenir son activité.

Son avocat fustige une atteinte grave à la présomption d’innocence : « Tout cela pour des likes et des retweets », lance-t-il. Il conteste également la procédure administrative engagée, qui a mené à la suspension de l’agrément de l’établissement sans débat contradictoire.

Vers une jurisprudence sur la communication préfectorale ?

Le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a été saisi pour examiner la validité de la communication préfectorale. Me Cabral a plaidé que l’usage des réseaux sociaux par une autorité publique, sans jugement rendu, viole les principes fondamentaux du droit et nuit à la réputation d’un entrepreneur isolé.

De son côté, la préfecture affirme avoir simplement informé le public, dans un souci de transparence. Les services de l’État, qui n’ont pas retiré la publication controversée, maintiennent leur position sur les faits reprochés.

Le jugement a été mis en délibéré. Cette affaire pourrait bien faire jurisprudence et interroger plus largement les méthodes de communication de l’administration à l’ère des réseaux sociaux.


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