L’entreprise dispose de trésorerie jusqu’au 31 juillet
Dans un communiqué publié le 10 juillet 2025, la plateforme lyonnaise lePERMISLIBRE, cotée sur Euronext Growth, a annoncé un chiffre d’affaires semestriel de 4,7 M€, en forte baisse de 36 % par rapport à la même période de 2024.
Dans ce même communiqué, son PDG, Lucas Tournel écrit « lePERMISLIBRE affiche un recul du chiffre d’affaires qui est le résultat assumé de nos choix stratégiques. Nous avons mis un terme aux investissements marketing non rentables et engagé une réorganisation profonde de l’entreprise, et donc nous tournons la page d’un modèle basé sur une croissance non rentable. lepermislibre se place sur une trajectoire créatrice de valeur. Notre priorité est claire : bâtir un modèle solide et pérenne, centré sur la rentabilité et la qualité de service. La transformation est en cours, et nous sommes pleinement confiants dans notre capacité à en récolter les fruits. »
Une déclaration étonnante puisque la société admet dans le même temps que sa trésorerie ne lui permet d’assurer son activité que jusqu’au 31 juillet 2025 à moins de trouver en urgence 500 000 €, pour étendre son horizon de financement à 12 mois.
Dépendance excessive au CPF et au marketing
Pour lePERMISLIBRE, les premières alertes apparaissent au printemps 2024 avec la mise en place du reste à charge sur les formations financées par le CPF (Compte Personnel de Formation). L’entreprise est très fortement dépendante à ce type d’inscriptions et voit dès les premiers mois une chute brutale de ses ventes, fragilisant le modèle économique de l’entreprise.
Face à cette chute d’activité, lePERMISLIBRE a dû prendre deux décisions :
- licencier 20 salariés du siège en 2024, pour contenir les coûts fixes,
- diminuer massivement les dépenses marketing, notamment sur Google Ads et les plateformes Meta (Facebook et Instagram).
Étant donné que le seul canal d’acquisition de nouveaux clients était la publicité en ligne, cette réduction s’est automatiquement traduite par un moindre trafic sur le site, moins d’inscriptions, un effondrement du chiffre d’affaires, puis une dégringolade du cours de bourse. Le groupe s’est ainsi retrouvé pris dans une spirale mortelle.
Introduite en bourse le 17 février 2023 au cours de 3,80€, l’action lePERMISLIBRE ne valait plus que 0,14€ le 18 juillet, soit une baisse de 96% de son cours.
Une tentative de changement de modèle trop tardive ?
Son modèle de « croissance non rentable » n’étant pas viable, début 2025, lePERMISLIBRE a pris la décision de racheter trois agences physiques à proximité de Lyon à Tarare, Craponne et L’Arbresle… passant ainsi d’un modèle 100% digital à un modèle hybride (combinant plateforme en ligne et agences physiques).
D’après son communiqué de presse, « les premiers résultats [de ce changement de stratégie] sont positifs ». Seront-ils suffisants pour redresser la barre alors que l’entreprise risque d’être à court d’argent dans les 10 jours à venir ?
Le marché semble septique. L’entreprise est valorisée aujourd’hui à moins de 1,6 million d’euros, soit 15% de son chiffre d’affaires. Un multiple très faible pour une entreprise de technologie et un multiple bien inférieur à ceux constatés lors de transactions d’auto-écoles traditionnelles (entre 25% et 30% du CA).
500 000€ à trouver en urgence
Pour tenter de se sauver, lePERMISLIBRE a d’ores et déjà obtenu de ses créanciers (banques) un report des mensualités de crédit de 3 mois jusqu’au 30 septembre. En parallèle, l’entreprise négocie avec l’administration fiscale (SIE et URSSAF) un échelonnement de sa dette fiscale et sociale sur 12 mois.
Des manœuvres de la dernière chance, alors que les jours sont comptés. Pour s’offrir un peu d’oxygène, lePERMISLIBRE cherche à trouver 500 000€ en urgence. Une démarche compliquée dans un laps de temps aussi restreint.
Vers la fin du modèle des plateformes ?
Les difficultés rencontrées par lePERMISLIBRE (et par PermiGo avant lui) pourraient conduire à penser que le modèle économique des plateformes n’est pas viable. Ce serait à notre sens une grave erreur. Les difficultés de lePERMISLIBRE sont liées à des erreurs stratégiques (dépendance au CPF, stratégie 100% digitale, non diversifiée).
Les autres plateformes n’ont pas fait les mêmes erreurs : Ornikar s’est diversifié dans l’assurance et a atteint en 2024 la barre symbolique des 100m€ de CA (80m€ en auto-école et 20m€ en assurance). Il est soutenu par le fond KKR qui n’a pas hésité à réinvestir. Stych connait une forte croissance et dispose de 75 agences physiques partout en France, pour un CA de 50m€. Enfin, En Voiture Simone a été rachetée par le concessionnaire BYmyCAR (4Mds€ de CA), ce qui lui assure une certaine sécurité.
Les plateformes sont désormais rentables (ou proches de la rentabilité), lePERMISLIBRE est davantage l’exception que la règle.
Un secteur tout entier en difficulté
Les difficultés rencontrées par lePERMISLIBRE sont également liées au contexte général qui impacte l’activité de tout le secteur de l’enseignement de la conduite. Un climat politique et économique national tendu, des tensions à l’international, un manque de places d’examen lié à la pénurie d’inspecteurs et à la mise en place (mal anticipée) du permis à 17 ans, la fin du CPF moto.
Nombreux sont les élèves qui, ne souhaitant pas patienter 3 à 6 mois pour avoir une date, vont préférer décaler leur formation au permis de conduire. Cette baisse du nombre d’inscriptions est constatée par la quasi-totalité des écoles de conduite, mais également par les fournisseurs.
Selon les données de VroomVroom.fr, sur les 6 premiers mois de l’année, ce sont quelques 800 auto-écoles qui ont fermées leurs portes, pour 250 créations et/ou reprises…