Manque de places d’examen : les syndicats reçus au Ministère de l’Intérieur le 16 juillet

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Réunion Ministère syndicats auto-école

Fin juin, nous alertions sur le manque de places généralisé, dans la quasi totalité des départements français. Depuis 8 jours, le phénomène a pris une tournure politique. Après quelques passes d’armes entre syndicats d’auto-écoles et un syndicat d’inspecteurs, force est de constater que la profession est divisée et que les solutions proposées ne font pas l’unanimité. Une réunion aura lieu le 16 juillet au Ministère… mais pour quel résultat ?

Échanges de communiqués et divergences de vues

Le 2 juillet, les organisations professionnelles (réunies en intersyndicale) publiaient un communiqué de presse pour dénoncer la pénurie de places d’examen et demander à être reçues au Ministère de l’Intérieur. Deux jours plus tard, le 4 juillet, la SANEER (syndicat d’IPCSR) faisait paraître un communiqué critiquant les mesures proposées et avançait des contre-propositions pour résoudre le problème du manque de places. Enfin, le 7 juillet, l’intersyndicale répondait à ce communiqué de la SANEER avec de nouvelles mesures (différentes de celles présentes dans le communiqué du 2 juillet).

De l’extérieur, ces échanges donnent l’impression d’une profession profondément divisée, aussi bien sur les causes du problème que sur les mesures à mettre en place.

Les propositions sur la table

Après avoir retracé la chronologie des faits, intéressons nous aux propositions concrètes.


Les propositions de l’intersyndicale (OP auto-écoles)

Les propositions formulées par les organisations professionnelles (Mobilians, Unidec et UNIC) sont les suivantes :

  • La mise en place de tests de positionnement en amont pour présenter à l’examen des candidats réellement prêts (Une proposition défendue par Karl Raoult (NDLR, vice-Président du réseau CER dont nous vous parlions déjà en décembre dernier) ;
  • L’évolution de certains critères d’évaluation ;
  • L’abaissement de l’âge de l’apprentissage anticipé de la conduite pour favoriser la progression ;
  • L’abaissement de l’âge d’accès à la conduite supervisée à 17 ans, afin d’assurer une cohérence avec la possibilité de passer le permis dès cet âge.
  • Le recours, de manière encadrée, à des examinateurs contractuels dans les départements en tension, pour soulager les délais et préserver la qualité ;
  • L’évolution de l’épreuve hors-circulation pour la moto ;
  • L’évolution des épreuves pour la catégorie BE.
  • La nécessité de mieux encadrer certains établissements de mise en relation avec des enseignants indépendants, qui présentent des taux de réussite médiocres, mobilisent des places d’examen, et ont pour pratique régulière d’exclure les élèves dès l’échec au premier passage, voire avant toute présentation. Ces pratiques nuisent à la qualité de la formation, surchargent le système d’examen, et alimentent l’échec au détriment des élèves comme du service public. Une régulation plus rigoureuse, fondée sur des critères objectifs de performance et de suivi pédagogique, est indispensable.

La plupart de ces mesures sont des mesures de bon sens… même si leur impact concret est difficile à estimer. La dernière mesure est intéressante. Non pas parce qu’elle vise les plateformes, mais parce qu’elle marque une inflexion. En demandant que les places d’examen soient attribuées « sur des critères objectifs de performance et de suivi pédagogique », les OP semblent défendre un retour à la MNA et se distancer de plus en plus du système RDVPermis, que la grande majorité des auto-écoles rejette.

Une mesure inapplicable en l’état, sauf à vouloir que le Ministère se mêle davantage encore de la pédagogie et de la performance des écoles de conduite…

Les propositions de la SANEER (syndicat d’inspecteurs)

L’UNSA SANEER est l’un des deux syndicats représentatifs des IPCSR (avec Snica-FO). Il s’oppose avec force à la proposition de mettre en place une « attestation temporaire de circulation » (sur le modèle de l’AAC) en avançant les arguments suivants :


  • Mise en circulation de conducteurs insuffisamment formés voire dangereux ;
  • Risque accrus de fraudes documentaires ;
  • Risques d’agression envers les inspecteurs lors du retour en examen ;
  • Un encouragement à circuler sans assurance. La plupart des contrats d’assurance n’autorisent pas le prêt de volant aux jeunes conducteurs. De plus, l’immatriculation d’un véhicule, suite à un achat, est conditionnée à la détention du permis ;
  • Dans l’hypothèse où les assureurs accepteraient de couvrir des conducteurs non détenteurs du permis de conduire, le coût de la prime serait très certainement prohibitif et très probablement supérieur à celui d’un complément de formation en auto-école.

De son côté, le syndicat d’inspecteur pense que la solution passe par une augmentation du taux de réussite (une position globalement partagée avec Snica-FO). Il propose les mesures suivantes :

  • Contrôler la qualité de l’enseignement, à l’instar des audits réguliers auxquels sont soumis les inspecteurs du permis de conduire (audits quinquennaux et contrôles annuels) ;
  • Imposer une formation continue obligatoire aux enseignants de la conduite à l’instar des inspecteurs du permis de conduire ;
  • Réserver les places d’examens aux candidats réellement prêts, c’est-à-dire lorsque que toutes les étapes prévues au livret numérique de formation sont acquises ;
  • Réserver les examens supplémentaires aux redoublants afin de réduire le délai de représentation ;
  • Favoriser le recrutement d’agents titulaires plutôt que le recours à des contractuels, pour garantir la qualité des examens.

On voit mal comment les écoles de conduite, déjà submergées par l’administratif, pourraient accepter des contrôles et des formations supplémentaires.

Une réunion à Beauvau, pour la forme ?

Les organisations professionnelles représentant les auto-écoles exigeaient d’être reçues par Jean-Noël Buffet, ministre auprès du Ministre de l’Intérieur, sans quoi une « mobilisation nationale » serait organisée à la rentrée. Leur demande a été entendue (en partie du moins), puisqu’elles seront reçues le 16 juillet à 11h30 au Ministère de l’Intérieur, place Beauvau… non pas par le Ministre, mais par son directeur de cabinet et par un jeune conseiller technique. La Déléguée interministérielle sera également présente, même si les bruits de couloir la disent sur le départ…

Même si l’on peut espérer l’inverse, cette réunion risque bien d’être symbolique. Les marges de manoeuvre du Ministère de l’Intérieur et de la DSR sont très faibles à court et moyen termes. Le gouvernement Bayrou cherche à réaliser 40 milliards d’économies sur le prochain budget, on voit mal comment des recrutements d’IPCSR supplémentaires pourraient être annoncés. Les inspecteurs actuellement en formation à Nevers ne seront pas disponibles avant l’automne et leur arrivée devrait (à peine) compenser les départs.

Des mesures techniques pourront être prises par décret, mais ces mesures risquent de ne pas résoudre grand chose avant plusieurs mois. Tant que la DSR continuera à mener des réformes « au doigt mouillé » et sans étude préalable, les mêmes causes produiront les mêmes effets. La grande étude statistique qui était annoncée « avant l’été » n’a pas été publiée… elle ne le sera probablement jamais. C’est regrettable…

Ailleurs en Europe

Les auto-écoles espagnoles se plaignent, elles aussi, du manque de places d’examen en cette période estivales. La Confederación Nacional de Autoescuelas (organisation professionnelle majoritaire) a publié un message sur sa page Facebook et lancé une pétition. Son président Enrique Lorca, a déclaré « les victimes sont toujours les mêmes : les candidats, les auto-écoles et la société dans son ensemble. »


14 Commentaires

  1. Article qui reflète très bien la situation catastrophique dans laquelle sont les auto écoles et les candidats!
    Entre les plate-formes qui ont des taux de réussites désastreux et l’arrivée massive de candidats 17 ans, il fallait bien s’attendre à un tel résultat !
    Comment absorber 400 000 candidats en plus dans l’année sans augmenter le rendement?
    Ca lance des mesures mais ça réfléchit pas beaucoup là haut non?
    Les auto écoles physiques de proximité maintiennent tout juste la moyenne à flot alors qu’elle est plombé par les plates-formes!
    Le seul moyen de sortir rapidement de ce gouffre est de produire plus de places d’examens B en supprimant les questions qu’un candidat peut déjà avoir vu au code, comme cela se faisait lors de la covid!
    Revoir la circulation Moto aussi, un IPCSR n’a pas besoin de 40 minutes pour évaluer un candidat!
    Retour de 2 élèves par voiture en B!
    Et sanctions pour les plate-formes qui engloutissent les places et renvoient leurs candidats ajournés vers les auto écoles traditionnelles sans assumer!
    Bravo le E-learning!
    Assez de cette administration qui n’est plus au service des administrés mais qui les plombe au quotidien !
    Merci pour l’article

  2. Toutes ces mesures n’ont aucun sens. Ce sont des mesures qui sont avancées dans l’urgence sans aucune étude sur leurs effets à long terme. Elles ne prennent en compte que des effets mécaniques sans tenir compte de la réaction psychologique du public. Depuis 20 ans (un peu plus en fait mais le phénomène s’est accéléré depuis 20 ans) on a jouer avec les curseurs pour que le système tourne. On a recruté des postiers formés à la va vite (3 mois de formation contre 1 an pour un cursus classique… cherchez l’erreur !) on a externalisé l’ETG ce qui a créé une augmentation du volume d’examens à effectif constant et surtout permis une fraude massive… On a revu les thèmes de l’ETG en rendant la réglementation accessoire, ce qui nous amène en voiture des élèves qui ignorent totalement la réglementation, d’où une galère phénoménale. On a « harmonisé » les pratiques d’évaluation, terme hypocrite pour dire qu’on a abaisser le niveau d’exigence et lâcher du permis pour désengorger le système. Ça ne marche pas car les élèves et les formateurs s’adaptent constamment aux conditions qui leurs sont opposées. Le pire n’est pas l’inefficacité de ces mesures, le pire ce sont les effets collatéraux produits par ces mesures simplistes. Les élèves ont déserté les salles de codes, n’ont plus les compétences théoriques nécessaires pour appréhender sereinement la conduite, ce qui impacte fortement les performances en leçons et examen. Le niveau ridicule de l’examen pratique a dévalorisé toute la chaîne de formation ainsi que le rôle des IPCSR. Cette baisse instrumentalisée du niveau des examens a tué la distinction qui pouvait être faite entre les établissements performants et les vendeurs de RMP, de fait le critère déterminant choix de l’établissement formation se réduit de plus en plus au prix au-delà de toute autre considération. Les conséquences sont multiples: paupérisation de la profession, désintérêt pour l’enseignement donc difficultés de recrutement, favorisation du low-cost, baisse du niveau global des élèves, échecs en hausse, engorgement cyclique du système etc…
    On a empoisonné le malade à petit feu et maintenant on veut le soigner avec une bonne saignée. Si toutes ces recettes éculées avaient un jour eu des effets bénéfiques durables on s’en serait rendu compte ! A un moment il va falloir se réveiller et arrêter le déni.

    • Bravo et merci pour ce commentaire.
      J’adhère totalement.
      Mais est ce que les décideurs , le ministre,la DSR etc… ont connaissance et conscience de ce que vous évoquez?
      Pas sûr…. Il faudrait leur adresser des courriers. Mais ont ils réellement envie que cela change ?

  3. La Dsr annonce qu’il manque 130 ipcsr pour compenser les arrêts maladies longue durée, les mutations, départs en retraite et … Ces 130 éléments manquants n’expliquent pas à eux seuls l’engorgement du système, loin de là. Le vrai problème est ailleurs, mais ce « ailleurs » fâche donc on essaye de l’occulter en reportant la faute sur les autres et en trouvant des « solutions » miracles qui n’en sont pas.
    Le niveau global des formations est plus que moyen et une partie grandissante des élèves rencontrent des difficultés de plus en plus insurmontables. Les aptitudes cognitives sont en chute libre et la tendance est la victimisation permanente. Mettre plus de places ne solutionnera rien (et l’état n’en a pas les moyens) et baisser encore le niveau est irresponsable et inefficace.
    Quant à rdvpermis il était clair que ça ne pouvait pas marcher. Mathématiquement ça ne tient pas la route et les ressorts psychologiques qui devaient responsabiliser les candidats (et AE) ont bu la tasse faute de stratégie de communication.

  4. J’aimerai bien qu’on ouvre les yeux 2 min sur les faits. Il manque 130 ipcsr MAIS parallèlement à ça la carte des auto-écoles publiée sur le site de la sécurité routière (https://autoecoles.securite-routiere.gouv.fr/#/s/auto/48.853495/2.348392/13/) montre clairement que les « performances «  d’enseignement ne sont pas du tout à la hauteur. Les plateformes gaspillent énormément de places mais elles ne sont pas les seules en cause, loin de là ! Quand on arrivera à accepter le fait que l’enseignement n’est pas bon, que tout ce qui a été entrepris a conduit les élèves à être fainéants, attentistes et à se plaindre de tout sans jamais faire le plus petit effort (sauf une minorité) pour mériter ce qu’ils convoitent, peut-être qu’on se décidera enfin à remettre l’église au milieu du village. Arriver péniblement à 50-55% de délivrance alors que l’examen a été ramené à un niveau d’indigence effarant n’a que 2 explications: soit les candidats sont d’une stupidité infernale, soit une partie des enseignants ne font pas,leur job correctement. Les élèves actuels ont de grosses lacunes, ne sont pas motivés, sont difficiles pour un tas de raisons mais c’est une excuse un peu trop facile. Et ce ne sont pas les propositions de l’intersyndicale ou de la Saneer qui vont changer la donne.

  5.  » soit les candidats sont d’une stupidité infernale, soit une partie des enseignants ne font pas,leur job correctement. Les élèves actuels ont de grosses lacunes, ne sont pas motivés, sont difficiles pour un tas de raisons mais c’est une excuse un peu trop facile » ça vingt ans que je fais ce métier, 20 ans que je vois effectivement les élèves devenir de plus en plus incompétent, in-autonome, et pour la même qualité d’enseignement. Je veux bien être devenu moins bon qu’avant, (j’en doute un peu) mais je pense qu’il y a un vrai problème d’autonomie dans notre société d’assistés, et ce sont les parents à blâmer en premier et les premiers a se plaindre. plus le temps passe, plus le nombres d’heures nécessaires à les formé augmente. J’ai commencé, on été à 25h en moyenne là on est à 35h et ça augmente, pourtant le niveau des examens baisse !!!! donc oui, je pense que le niveau intellectuel des gamins est en sérieuse baisse général.

    • Oui le niveau baisse méchamment mais nous aussi nous avons relâché la pression car le niveau demandé est bien moindre et que nous ne pouvons plus nous permettre d’être aussi exigeant qu’à nos débuts (pour moi en 91). Nos élèves ne le supporteraient pas et les parents crieraient aux harcèlement, à la maltraitance… Nous sommes moins « bons » malgré nous

  6. La proposition de mettre en place des tests de positionnement en amont pour présenter à l’examen des candidats réellement prêts est absurde puisqu’une école de conduite est depuis bien longtemps sensée ne présenter à l’examen que des candidats qui ont le niveau nécessaire.
    Demander à celles qui ne sont pas sérieuse de réaliser des tests ne changera rien puisqu’elles bâcleront autant ces tests que le reste de la formation.

  7. Si déjà on commençait à remettre le code en salle et à redonner l’ETG aux inspecteurs et contrôlé par eux, on ne passerait pas une quantité de temps phénoménale en voiture à expliquer la signalisation. Toute cette énergie et temps passé à ne pas faire de conduite par une méconnaissance des règles de base du code de la route est affolante.

    • Bien sûr que c’est la solution, faire comme en Allemagne et en même temps faire d’une pierre deux coups. Rendre obligatoire des modules en salle et tant que les modules ne sont pas faits impossible de passer l’ETG et ça permettra de renvoyer les auto-école en ligne dans leurs agences fantômes. C’est comme ça que l’Allemagne a réussi à se débarrasser d’Ornikar qui voulait s’implanter chez eux.

  8. Donc l’administration est au top et ce sont leurs inspecteurs et surtout les enseignants et leurs élèves qui sont incompétents (quitte à contredire le bon sens et les chiffres) De plus, ces soit disant représentants qui se rejette la faute son pitoyable et ne pense qu’à leurs intérêts en inventant des causes, alors que nous savons tous que le système fonctionnait très bien il y a moins de 20 ans !

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