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Un 8ème opérateur agréé pour le passage du code de la route, un de trop ?

L’information a été publiée il y deux semaines au Journal Officiel. Après La Poste, ObjectifCode, Code’nGo!, Pointcode, Dekra, FranceCode, Exacode, un 8ème opérateur est désormais agréé pour faire passer l’examen théorique du permis de conduire (ETG et ETM) : EASY CODE.

Très peu d’informations sont – à ce jour – disponibles sur cette nouvelle structure et elle ne dispose pas encore de site internet permettant la réservation de sessions d’examen par les candidats.

Si la concurrence est quelque chose de sain en soi, la multiplication du nombre d’opérateurs faisant passer l’examen du code de la route risque fort d’avoir des effets indésirables, dans un marché déjà saturé.

Le « marché » du code de la route est stable

Chaque année, ce sont environ 2 millions d’examen du code de la route (ETG et ETM) qui ont passés en France selon les chiffres fournis par le Ministère de l’Intérieur. La grande majorité de ces examens sont passés auprès d’opérateurs privés agréés par le Ministère, l’État ne conservant l’organisation que de certains examens particuliers (non-francophones, en centres de détention, etc). Les opérateurs privés n’organisaient au départ que les examens théoriques pour la catégorie B du permis de conduire (ETG). Depuis le printemps 2020, ils sont désormais chargés de faire passer l’examen théorique pour la catégorie A (code moto ou ETM) et depuis le printemps 2021 certains d’entre eux sont également habilités à faire passer le code bateau (La Poste, Code’nGo!, Dekra et Objectifcode). L’agrément pour cette dernière catégorie est délivré par le Ministère de la Mer.

Nombre d’examens passés 2020 2021
ETG (État) 353 338
ETG Organismes agréés (OA) 1 831 071 2 093 308
ETM Organismes agréés (OA) 104 400 188 369
Total 1 935 824 2 282 015

L’organisation des examens du code de la route est donc un « marché » relativement stable et représente environ 50 à 60 millions d’euros de chiffre d’affaires par an (l’enseignement de la conduite représente environ 2 Mds€ par an, NDLR).

Plusieurs modèles coexistent

Devenir opérateur du code de la route est une activité qui nécessite un investissement initial très important afin de développer un système informatique conforme au cahier des charges défini par l’Arrêté du 27 avril 2016. Il requiert la mise en place d’un réseau de centres d’examen assurant une couverture minimale du territoire français, ainsi que des services centraux (marketing, administratifs et financiers, etc).

Les premiers opérateurs à avoir été agréés ont choisi des modèles légèrement différents pour construire leur réseau de centres d’examen.

La Poste (850 centres à ce jour) a ouvert des centres d’examen au sein de ses 7 700 bureaux de poste en activité et a mobilisé des postiers pour l’organisation des examens.

Objectifcode (900 centres) et Dekra (300 centres) se sont appuyés initialement sur leurs réseaux de centres de contrôle technique. Sécuritest, Vérif’Autos et Auto Sécurité pour Objectifcode ; les centres Dekra Auto-contrôle et Norisko pour Dekra. Objectifcode et Dekra ont ensuite mis en place un système de « stores » dédiés uniquement au passage du code dans le centre de certaines grandes villes. Ils ont en parallèle créé un réseau de « franchisés ».

Coden’Go! (250 centres) et Pointcode (120 centres) s’appuient principalement sur un réseau de « franchisés » qui assument les charges liées à l’exploitation du centre d’examen et qui perçoivent en retour une rétrocession en fonction du nombre d’inscriptions. La plupart de ces centres d’examen proposent en parallèle d’autres services (points-relais, demande de cartes grises, soutien scolaire, assurance, etc).

Les autres opérateurs Exacode et FranceCode disposent d’un nombre de centres plus faibles. FranceCode mentionne le nombre de 70 centres sur son site internet. Ces centres sont également exploités sur le modèle de la franchise.

Exacode ne communique pas sur son nombre de centres mais ne dispose que de 3 centres en région parisienne tous situés en Seine-et-Marne (et aucun centre dans le 75, 91, 92, 93, 94 et 95).

Une baisse de la rentabilité des centres qui favorise la fraude

Dans un marché stable, voire en légère baisse depuis le début de l’année 2022, l’arrivée de nouveaux opérateurs ne peut que faire reculer la part de marché des opérateurs existants.

Dans certaines villes moyennes qui comptaient 3 ou 4 centres d’examen et dans lesquelles les opérateurs se doivent d’être présents pour honorer leur obligation de couverture nationale (min. 1 centre par département en métropole et dans les DOM-TOM), l’implantation de nouveaux centres va fragiliser la santé financière des structures.

C’est le cas pour l’ensemble des centres mais davantage encore pour ceux fonctionnant sur le modèle de la franchise. Selon nos sources, les opérateurs rémunèrent le franchisé entre 8€ et 13€ HT par examen. Avec ces sommes le franchisé mono-activité doit payer son loyer, le salaire du ou des examinateurs ainsi que les charges diverses (assurance, électricité, mobilier, etc.).

Les salaires et les loyers pouvant varier largement d’une ville à l’autre, le seuil de rentabilité varie en fonction des centres mais il se situe généralement entre 350 et 500 examens par mois (entre 15-25 examen par jour). L’arrivée de nouveaux centres entraîne mathématiquement une baisse du nombre d’examens et de chiffre d’affaires pour les franchisés. Certains vont développer une activité secondaire en parallèle mais d’autres pourraient être tentés de collaborer avec les réseaux criminels proposant d’« acheter son code de la route » en échange de quelques centaines d’euros.

L’échec de la lutte contre la fraude

La lutte contre la fraude à la vente d’examen du code de la route est un échec. Certains outils existent, comme Polex, et des contrôles sont diligentés par les opérateurs (contrôle interne) et par les IPSR pour le compte du Ministère.

Ceci étant dit, que ce soit par manque de volonté politique au sein du Ministère de l’Intérieur ou en raison de la difficulté à rassembler les preuves de la fraude pour les produire en justice ; un certain nombre de centres frauduleux continuer à exercer.

Certains opérateurs sont allés jusqu’à proposer au Ministère la mise en place de « liste noire » avec les coordonnées des inspecteurs ou responsables de centres suspectés d’avoir participé à la fraude mais un tel « fichage » est impossible en l’état actuel de la législation.

À moyens techniques et humains constants, la multiplication du nombre d’opérateurs et de centres d’examen ne peut que se traduire par une augmentation du nombre de fraudes et de vente d’examen du code de la route.

Cette explosion du nombre de centres d’examen devrait ainsi nuire à la qualité du service.

Le cahier des charges n’est pas respecté

L’agrément de nouveaux opérateurs du code de la route place la Délégation à la Sécurité routière dans une situation ubuesque. Elle ne peut pas refuser l’agrément à un nouvel opérateur dès lors que son dossier est complet, tout en sachant pertinemment que cet opérateur ne pourra pas remplir l’ensemble des conditions prévues par le cahier des charges. En effet, les opérateurs agréés ont l’obligation de couvrir l’ensemble du territoire français. L’article R221-3-8 du code de la route prévoie :

L’organisateur agréé assure, dans les conditions prévues au présent article, l’accès des candidats à des sites d’examen sur le territoire de chaque département métropolitain et de chacune des collectivités suivantes : Guadeloupe, Guyane, Martinique, La Réunion, Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon.

Aujourd’hui, seuls 5 opérateurs sur 8 disposent de plus de 100 centres d’examen et 4 opérateurs respectent cette obligation de couverture. Les trois derniers opérateurs à avoir été agréés ne la respectent pas… après plusieurs années d’existence (ExaCode a été agréé en décembre 2018 et France Code en septembre 2020).

Les sites des préfectures – censés informer les candidats – ne mentionnent même pas l’existence de ces nouveaux opérateurs, que ce soit dans le Rhône, le Nord ou l’Orne (trois départements pris au hasard).

Une évolution nécessaire ?

Nous sommes face à un double constat : la multiplication des opérateurs agréés pour le passage de l’examen du code de la route fait peser un risque accru de fraude à l’examen, sans pour autant apporter un quelconque avantage en contrepartie aux candidats. Le tarif de l’examen est fixé depuis 2016 à 25 Euros HRT (30 TTC) par arrêté et, avec 2 500 centres d’examen, chaque candidat peut passer le code à distance « raisonnable » de son domicile.

Dès lors, il est nécessaire de s’interroger sur la nécessité de changer les règles actuelles ou de les faire appliquer réellement. Cela pourrait soit passer soit par un durcissement des conditions prévues par le cahier des charges, soit par un retrait d’agrément effectif en cas de non-respect de celui-ci. Le seul cas de retrait d’agrément à ce jour concerne la société ExaCode (Arrêté du 12 novembre 2020, mais ce retrait a été retiré le mois suivant… (Arrêté du 22 décembre 2020).


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1 COMMENTAIRE

  1. Les fonctionnaires ne sont pas capables de supprimer les « planches pourries » de ces prestataires… qui sont pourtant connus !
    Sauf erreur, la prérogative d’un état qui délègue au privé reste le contrôle et la sanction en cas d’abus… Il est trop facile de prendre 20% de TVA et de prétendre ne pas avoir les moyens de contrôle !!!

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