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Darmanin propose le retrait du permis en cas de consommation de drogue ou d’alcool

Dans une interview donnée au JDD, une semaine après le grave accident provoqué par l’humoriste Pierre Palmade après avoir consommé de la cocaïne, le ministre de l’Intérieur a formulé plusieurs propositions. Celles-ci visent à punir plus sévèrement les consommateurs de drogue et d’alcool au volant avec un retrait des 12 points sur leur permis de conduire. À l’inverse, il souhaite être plus clément avec les auteurs de « petites infractions ».

Renforcement des contrôles et création d’un nouveau délit

S’appuyant sur la proposition d’associations de victimes de la route, le ministre dit travailler, depuis décembre 2022, avec Éric Dupond-Moretti pour « renommer en homicide routier les accidents mortels dus à la drogue et à l’alcool ». Selon ces associations, la drogue au volant serait à l’origine de 20% des accidents mortels de la route en France. Elles pointent du doigt « une justice trop laxiste » face à ces délits.

Gérald Darmanin a annoncé qu’un total de 800 000 contrôles routiers « contre la drogue » avaient eu lieu en 2022 et qu’il avait donné instruction d’en réaliser un million cette année. Il a assuré de l’efficacité de ces contrôles dans l’Hexagone, où « 16 % des contrôles de l’usage de stupéfiants au volant se sont avérés positifs contre 3 % de ceux concernant l’alcool ».

Retrait des 12 points sur le permis

« Je propose le retrait des douze points du permis de conduire pour toute personne qui conduit alors qu’elle a consommé de la drogue », a également déclaré le ministre au cours de cette interview au JDD, précisant que « la perte du permis n’est automatique qu’en récidive aujourd’hui ». Une mesure qu’il précise vouloir aussi pour les conducteurs sous l’emprise de l’alcool.

Actuellement, la conduite sous l’usage de stupéfiants est sanctionnée de la perte de six points. Des peines complémentaires peuvent aussi entraîner une suspension du permis pour une durée maximale de 3 ans et une annulation du permis avec 3 ans maximum d’interdiction de demander un nouveau permis.

Gérald Darmanin souhaite également « rendre obligatoire la visite médicale de tout consommateur avéré de drogue pour qu’il soit autorisé à conduire s’il se soigne ».

Les organisations professionnelles divisées

Pour Patrice Bessone (Président de Mobilians Éducation et Sécurité routière) ces mesures vont dans le bon sens. Une plus grande sévérité avec ceux qui prennent la voiture drogués et alcoolisés, couplée à plus de tolérance pour les « petits excès de vitesse ».

Pour Mobilians, ces petites infractions doivent s’inscrire dans le cadre du « droit à l’erreur » et doivent être accompagnées par davantage de formation. P. Bessone insiste sur un point « droit à l’erreur ne signifie pas droit aux erreurs. Il faut que ce soit une fois par an au maximum. Si un conducteur se fait arrêter 3, 4, 5 fois dans l’année en infraction, il est normal qu’il soit sanctionné. » Outre le paiement de l’amende, Mobilians ESR entend faire au Ministre la proposition suivante : en cas de « petite » infraction, la personne ne perdrait pas de point si elle suit une formation pédagogique de 2 heures une auto-écoles labellisée, sur le modèle de ce qui se fait déjà pour la conduite accompagnée.

Il ajoute : « ces personnes là n’ont pas besoin d’être envoyées en stages de récupération de points, c’est souvent inutile et contre-productif. Dans les prisons, on évite de mélanger la petite délinquance avec le grand banditisme… On ne devrait pas mélanger celui qui a fait plusieurs excès de vitesses de 10km/h avec celui qui conduit avec de la cocaïne dans le sang ». Selon lui, l’intervention d’un psychologue et d’un BAFM ne sont pas forcément nécessaires pour celui qui a commis un petit excès de vitesse. « Il faut durcir les peines pour les fautes les plus lourdes et les adoucir pour les plus faibles. Il faut de l’équité et de la proportion. »

Les positions de l’UNIDEC et de l’UNIC ne sont pas forcément opposées, mais elles sont plus mesurées vis-à-vis des propositions du Ministre. Aussi bien Sandra Carasco (présidente de l’UNIC) que Bruno Garancher (président de l’UNIDEC) dénonce le timing des propositions qui reviennent immédiatement après l’accident causé par Pierre Palmade. Pour Sandra Carasco, « on a l’impression que les politiques découvrent le problème. Le fait qu’une personne connue ait été impliquée fait qu’ils s’en emparent. Que doivent penser les victimes de chauffards « anonymes » ? ». Elle ajoute « durcir les sanctions pour les personnes qui conduisent alcoolisés ou drogués ? Je ne vois pas comment on pourrait être contre. Ces personnes sont malades et ne doivent plus pouvoir conduire tant qu’elles ne sont pas guéries ». Elle est également plutôt favorable à l’adoucissement des sanctions pour les petites infractions mais veut rester vigilante. « Je me méfie des effets d’annonces dont certains sont habitués. On ne dispose pas de données précises, on n’a pas fait d’étude d’impact. On aurait besoin d’éléments chiffrés avant de prendre une décision. Le Ministère pourrait mettre en place une expérimentation, comme il l’a fait avec la circulation inter-files, et introduire une clause de revoyure d’ici un an ou deux. »

Bruno Garancher (UNIDEC) partage ces réserves. « Ces mesures risquent de ne pas servir à grand chose. On est sur « 1 fait divers = 1 loi » sans regarder le fond du problème. Quand je prends la route et que je suis témoin d’une infraction, c’est souvent soit un problème de compréhension et soit un problème d’éducation (y compris d’éducation basique, de comportement). Or, les mesures proposées par le Ministre ne prévoient pas comment on renforce l’éducation des personnes. »

Il est plus nuancé sur le fait d’atténuer les sanctions pour les petites infractions. Selon lui, « étant donné que les gens ne se font attraper que rarement, celui qui perd quatre fois 1 point et qui doit faire un stage, c’est qu’il a été en réalité des dizaines de fois en infraction et qu’il a probablement lui aussi un problème de comportement ». Et Bruno Garancher de s’interroger sur les intentions du Ministre « avoir cette posture là, d’indulgence sur les petites infractions, ça me semble un peu populiste. »

Quelle suite sera donnée à ces annonces une fois l’émotion de l’affaire Palmade retombée ? Et, au-delà, quel serait l’impact concret de telles mesures sur la sécurité routière ? Le nombre de tués sur les route stagne depuis 2013 (et augmente légèrement en 2021) et près de 800 000 personnes roulent sans permis en France… Augmenter le nombre de retraits de permis ne risque-t-il pas de mettre sur les routes un plus grand nombre de personnes sans permis ?


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