Françoise Dumas, VRP des auto-écoles en ligne

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Dans un entretien accordé la semaine dernière à La Dépêche du Midi, la député du Gard François Dumas déclarait « je ne suis pas là pour faire le jeu des plateformes » (lire l’article en intégralité ici). Malgré ces paroles rassurantes à destination des professionnels, il semblerait que l’élue LREM agisse discrètement en coulisse pour favoriser l’émergence des auto-écoles en ligne. En dépit de toute logique et contre les intérêts des élèves.

Consciente de la très grande indignation suscitée par son rapport et de la mobilisation des professionnels – syndiqués et non syndiqués –, la député Dumas a pris les devant ce lundi (18 février) en envoyant des éléments de langage aux députés qui seraient sollicités par les auto-écoles en vue d’entretiens. Nous avons eu accès à cet email et nous en publions certains extraits en exclusivité.

Ces « éléments de précision » concernent les deux mesures les plus contestées du rapport (qui sont accessoirement les plus en faveur des plateformes) : la portée nationale de l’agrément et la désintermédiation de l’attribution des places d’examen (en clair, la mise en place de la plateforme Candilib). Ces éléments sont non seulement erronés mais ils témoignent également d’un parti pris incompréhensible.

1) la portée nationale de l’agrément

Dans l’email envoyé à ses collègues députés, Madame Dumas développe plusieurs points.

Après avoir rappelé que les auto-écoles avaient besoin d’un agrément pour exercer, l’élue gardoise indique que « pour se développer et proposer ces prestations, les auto-écoles en ligne ont besoin d’un agrément national ». Ce faisant, Mme Dumas se positionne en lobbyiste, défendant les intérêts des nouveaux acteurs.

La portée nationale de l’agrément n’a dès lors plus rien à voir avec le fait de rendre le permis « plus accessible », elle doit être mise en place pour permettre aux auto-écoles en ligne de « se développer » (sic). Plutôt que de contraindre 3 auto-écoles à respecter des règles fixées pour les 13 000 auto-écoles, il est donc envisagé de changer les règles au détriment de 13 000 auto-écoles, le tout en s’appuyant sur une jurisprudence fragile car non définitive (cf. point 4) et sur l’analyse – forcément politique – de la DSR et de la DGCCRF.

L’objectif d’étendre la portée de l’agrément est donc de donner le champ libre aux plateformes. Cette déréglementation s’accompagnera d’une baisse des contrôles et in fine par l’impossibilité pour l’État de faire respecter la loi. Lorsqu’Ornikar aura 100 000 élèves en cours de formation, est-ce que l’État sera prêt à retirer l’agrément en cas de manquement à ses obligations? Too big to fail, nous connaissons déjà la réponse…

Les auto-écoles en ligne ont une portée nationale, personne ne le conteste. Pour mettre auto-écoles en ligne et auto-écoles de proximité sur un pied d’égalité, il serait logique de maintenir la portée départementale de l’agrément et de contraindre les auto-écoles en ligne à ouvrir des locaux dans chaque ville dans lesquelles elles s’implantent. Pour ces auto-écoles en ligne qui réalisent des millions d’euros de chiffre d’affaires, la contrainte n’était pas insurmontable.

2) L’inscription des élèves en candidats libre

Le système actuel (la « méthode nationale d’attribution des places d’examens », MNA) est critiqué par la députée car trop favorable aux établissements les plus anciens… et pas assez aux nouveaux acteurs. Comme indiqué dans un article récent, sans même attendre la remise du rapport l’expérimentation de la plateforme Candilib sera prochainement étendue… malgré des résultats discutables.

Ici encore, la député Dumas prend clairement le parti des auto-écoles en ligne, dont le modèle économique est basé sur le candidat libre. Face à la multiplication du nombre de « faux » candidats libres (candidat formés en auto-école – traditionnelle ou en ligne – et présentés en candidat libre) il serait préférable de redéfinir précisément ce qu’est un candidat libre et de modifier la MNA.

Une solution envisageable aurait été d’attribuer les places d’examen en fonction du nombre d’enseignant en ETP, qu’ils soient salariés ou indépendants. Cette solution aurait été juste et équitable, pour les auto-écoles traditionnelles et pour les auto-écoles en ligne. Au lieu de cela, il a été décidé d’encourager les plateformes… en dépit du bon sens. Pourquoi?

Une concurrence ni loyale ni transparente

Dans son entretien à La Dépêche du Midi, Françoise Dumas ajoute « la concurrence risque d’être plus sévère pour les auto-écoles traditionnelles… Il s’agira d’une concurrence loyale et transparente ». Malheureusement, cette concurrence ne sera ni loyale, ni transparente.

  • la concurrence ne sera pas loyale tant que les auto-écoles en ligne n’auront pas les mêmes charges que les auto-écoles de proximité. Tant que les auto-écoles de proximité se verront imposer un local (avec toutes les charges afférentes) alors que les auto-écoles en ligne peuvent se permettre d’avoir un seul et unique local pour tout le territoire.
  • la concurrence ne sera pas loyale tant que les auto-écoles de proximité devront payer des charges sociales alors que les auto-écoles en ligne pourront avoir recours aux moniteurs indépendants. Plutôt que de niveler les salaires par le bas et précariser une profession, il serait préférable d’imposer aux auto-écoles en ligne de salarier leurs moniteurs. C’est le cas d’auto-ecole.net qui dispose de moniteurs salariés et d’agences dans une vingtaine de villes de France.
  • enfin, la concurrence ne sera pas transparente tant que les pouvoir publics (la DGCCRF en particulier) toléreront les pratiques commerciales discutables qui consistent à afficher des taux de réussite « gonflés » et de brandir ces derniers comme argument commercial.

Des pistes de réforme qui font que des perdants

Si ces mesures devaient être mises en œuvre, elles ne feraient que des perdants… ou presque.

  • Les auto-écoles et leurs gérants dont un grand nombre seront obligés de fermer face à la concurrence déloyale des plateformes ;
  • Les enseignants de la conduite, dont les auto-écoles auront fermé, qui seront contraint de s’inscrire en tant qu’indépendant sur les plateformes et, à terme, précarisés ;
  • l’État, les Finances publiques et les collectivités territoriales. La baisse du prix du permis et la fermeture des établissements de proximité entraînera une baisse des recettes fiscales (TVA, CFE) et des cotisations (URSSAF), mais également une désertification de certains centre-villes ;
  • les élèves, à double titre.

Ne bénéficiant pas d’un suivi personnalisé, les élèves (futurs conducteurs), seront moins bien formés. Ce qui aura pour conséquence (1) d’entraîner davantage d’échecs à l’examen pratique et (2) de faire d’eux des conducteurs moins sûrs, plus susceptibles d’être impliqués dans des accidents.

Dans le cadre de la mise en place de Candilib, le rapport parlementaire préconise de rendre les présentations payantes, à partir de la deuxième. Un élève qui échouerait une première fois devra donc reprendre des leçons de conduite et repayer, jusqu’à l’obtention du permis… ce qui pourrait devenir très coûteux. Si, comme c’est probable, le système venait à s’engorger, on passerait alors d’un système où les délais étaient, certes, longs où mais la présentation gratuite à un système où les délais seront longs et la présentation payante! Le coût de reviens d’un examen pour l’État étant de 61€, le tarif de l’examen sera forcément supérieur, ce qui signifie des frais de présentation compris entre 150 et 200€, location du véhicule et frais d’accompagnement inclus… multiplié par le nombre de présentations.

« Accessibilité », qu’il disaient…


9 Commentaires

  1. « Le coût de reviens d’un examen pour l’État étant de 61€ » y a que moi que ça choque ??? D ou sort ce chiffre ??? 61€ pour 30 minutes (122€/heure), alors qu il ne fournissent pas la voiture (ni l essence, ni l assurance, ect…) et que l État ne se paye pas de TVA à lui-même, et nous on est TROP CHER avec nos 35 à 60€/heure (selon les départements) ??!!!

    • Bonjour Arnaud, le prix de revient pour l’Etat (61€) est mentionné dans le rapport Dumas (nous l’avons lu en entier). Il comprend le salaire de l’IPCSR, mais aussi probablement les salaires des administratifs (répartition, ANTS, DSR, etc…).
      Cordialement,

      • Donc effectivement 122€/heure (61€/30 minutes). Et c est nous qui sommes «cher», alors que nous sommes 3/4 fois moins cher de l heure (en HT), alors que nous avons beaucoup plus de frais de fonctionnement (Local, secrétaire, véhicule, enseignant,…). Le gouvernement se moque vraiment de nous et de nos élèves…

  2. Bonjour,
    Donc on joue au même jeu mais pas avec les mêmes règles ? Est-ce vraiment moins cher chez les auto-écoles en ligne ? Si le permis est ci important pourquoi ne pas baisser la TVA ?
    Cordialement.

  3. Elle n’y connaît rien et fait le jeu des plateformes, financées par les supers milliardaires, copains de son patron Jupiter, qui n’en ont rien a foutre de la Sécurité Routière.

  4. Il faut réformer l’apprentissage de la conduite automobile avant tout.
    Quand un jeune qui a passé son code en candidat libre et qu’il ne sait pas ce qu’est un répétiteur de feu rouge ou une ligne mixte.
    Madame Dumas doit avoir des connaissances qui veulent investir dans des auto-écoles en ligne.

  5. Une GROSSE BLAGUE

    ARGENT ARGENT ARGENT voila ce que voit l’état
    Où va la France !!!!
    Mme Dumas il serais peut être temps d’être payé utilement à reflechir correctement.

  6. Une question très intéressante a été posée par un député du Morbihan au ministre de l’intérieur (le premier flic de France) et inscrite au journal officiel de la République Francaise.

    http://questions.assemblee-nationale.fr/q15/15-17169QE.htm

    Déclinée en trois partie elle expose deux problématiques importantes :
    Tout d’abord une pénurie à terme de moniteurs en raison de la faible volonté à se précariser et les évidentes difficultés à acheter un véhicule neuf à doubles commandes.
    Ensuite, ce Député de la Nation s’inquiète de voir de possibles Prédateurs sexuels, exterieurs à la profession, embarquer par ruse et sans violence des Mineures ou des Mineurs.
    Ces prédateurs profiteraient de la déréglementation et de l’impossibilité pour les plates formes de vérifier la véracité des diplômes et des autorisations d’enseigner, pour accomplir par ruse un enlèvement sans violence ni contrainte sous les yeux de témoins pensant assister à une scène on ne peut plus classique.
    Et l’affaire « du Grêlé » de sinistre mémoire, montre que les Prédateurs peuvent se montrer patients et rusés pour accomplir leurs crimes.

    Cela peut faire hausser les épaules mais lorsque les plateformes auront 10 000 enseignants chacune, qu’on ne me fasse pas croire qu’ils auront le temps de vérifier…

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