Rapport Dumas : 4 ans après, quel bilan ?

1
122
Rapport Dumas permis de conduire

Le 12 février 2019, la député du Gard Françoise Dumas remettait au Premier Ministre un rapport comprenant 23 propositions à faire « baisser le prix du permis de conduire ». Quelques mois plus tôt, le 9 novembre 2018, Emmanuel Macron avait annoncé une « baisse drastique du coût du permis de conduire ». Quatre ans (et deux confinements) plus tard, le temps du bilan est venu. PermisMag revient sur ces mesures et sur leur efficacité.

Vingt-trois mesures proposées, dix retenues

Intitulé « Vers un permis de conduire plus accessible et une éducation routière renforcée », le rapport remis à Édouard Philippe comprenait 23 propositions destinées à favoriser l’accessibilité du permis de conduire, tant en termes de prix que de délai, et assurer un haut niveau de qualité pour l’éducation routière.

Trois mois plus tard, le 2 mai, le gouvernement annonçait retenir 10 mesures sur les 23 et précisait les modalités de mise en œuvre dans un dossier de presse.

Des mesures efficaces ?

Dans ce dossier de presse, le gouvernement indiquait « au total, l’ensemble de ces mesures permet de viser une baisse du coût du permis allant jusqu’à 30 %. » Quatre ans plus tard, force est de constater que le rapport Dumas a échoué. Les mesures proposées n’ont pas permis de faire baisser le prix du permis de 30%. Le coût du permis n’a pas baissé « drastiquement »… il n’a même pas baissé tout court.

Dans un contexte inflationniste, les écoles de conduite ont subi une hausse de leurs coûts de fonctionnement (carburant, salaires, véhicules, assurances…). La grande majorité d’entre elles — pour ne pas dire toutes — ont augmenté leurs tarifs et le prix de leurs forfaits.

L’inflation touche aussi les auto-écoles en ligne. Ainsi, chez Ornikar, le forfait Code + 20 heures était à 749€ en 2018. Il est désormais à 879€, soit une augmentation de 17,3% en 5 ans. C’est pire encore si l’on regarde le prix de la leçon de conduite qui est passé de 34,90€ à 43,95€ (et jusqu’à 47€ dans le cadre d’un forfait 5 leçons), soit une augmentation de 22% minimum.

Chez Ornikar, le prix du forfait 20h a augmenté de 130€ en 5 ans.

Ornikar augmentation tarif permis

Un rapport pour rien ?

Le rapport Dumas n’aura servi à rien, ou presque. L’effet des mesures proposées est très faible, voire nul. L’objectif affiché de réduire le coût du permis n’a pas été atteint.

La seule mesure que l’on retiendra est le nouveau système d’attribution des places d’examen, RdvPermis. Sa mise en place avait probablement été décidée avant même que le rapport ne soit commandé et elle répondait à un autre enjeu que celui de faire baisser le prix du permis.

Les élus peuvent faire les effets d’annonce qu’ils veulent et commander autant de rapports qu’ils le souhaitent. La formation au permis de conduire a un coût incompressible. Le seul moyen de faire baisser ce coût pour les élèves est de mettre en place des dispositifs de financement dignes de ce nom et des moyens budgétaires conséquents. Le rapport Dumas n’a absolument pas traité cet aspect. Françoise Dumas quant à elle s’est vite tournée vers d’autres sujets, avant d’être battue aux élections législatives de 2022.

Agir sur les financements, l’idée fait son chemin ! La proposition de loi du député Sacha Houlié va dans ce sens en proposant une cartographie des aides financières et une extension du CPF à l’ensemble des catégories de permis.

L’analyse des 10 mesures

Mesure 1 : Gratuité du code (formation et examen) pour les volontaires SNU.

Détail de la mesure : À terme, l’ensemble des jeunes d’une même classe d’âge participant au SNU (environ 800 000) bénéficiera de nouvelles mesures relatives à l’éducation routière et au permis de conduire. La mesure sera mise en place dès les premiers SNU qui auront lieu au mois de juin 2019.

Analyse de l’efficacité de la mesure : Cette mesure a été mise en place, mais les effets escomptés sont bien en dessous de ceux escomptés. Le Service national universel (SNU) n’a jamais attiré les jeunes. Sur les 800 000 participants attendus par le gouvernement, seuls 15 000 jeunes y ont participé en 2021 et 32 000 en 2022 (source : Le Point). Sur ces candidats, seuls quelques centaines ont passé le code de la route dans le cadre du SNU.

Mesure 2 : Développer l’usage du simulateur de conduite dans la formation.

Détail de la mesure : Pour encourager l’usage du simulateur dans l’apprentissage de la conduite, l’État décide de mettre en place une mesure d’incitation fiscale (suramortissement) pour les exploitants d’école de conduite pour leur permettre de s’équiper. Cette mesure est complétée par celle relative à l’augmentation, de 5 à 10 heures, de la durée d’apprentissage pouvant être dispensée sur simulateur dans les 20 heures minimum obligatoires de formation à la conduite.

Analyse de l’efficacité de la mesure : L’usage du simulateur est en progression au sein des écoles de conduite. Le recours accru aux simulateurs a-t-il été encouragé par le dispositif de suramortissement ? Si c’est le cas, ça l’a été de manière marginale.

Pour ce qui est de faire baisser le prix du permis de conduire, le recours accru aux simulateurs de conduite ne semble pas avoir eu d’effets.

Mesure 3 : Développer l’apprentissage de la conduite sur boîte automatique.

Détail de la mesure : Le délai, permettant de conduire sur un boîte manuelle après avoir obtenu le permis de conduire sur une boîte automatique, est réduit de 6 à 3 mois.

Analyse de l’efficacité de la mesure : Tout comme le recours aux simulateurs de conduite, cette mesure a été mise en place, mais ses effets sur le prix de la formation sont compliqués à mesurer. Le prix de la formation complémentaire minimale de 7 heures étant le même que l’élève fasse la formation 3 mois ou 6 mois après l’obtention du permis en boîte automatique, l’impact prix de cette mesure est probablement nul.

Mesure 4 : Favoriser l’accès à la conduite supervisée.

Détail de la mesure : Désormais, en cas d’échec à l’épreuve de conduite, tout élève disposera d’un droit d’accès à la conduite supervisée, sans délai ni formalité, exceptée celle d’obtenir l’accord de l’assureur. Seul un niveau de maîtrise manifestement insuffisant, renseigné par l’inspecteur le jour de l’examen, pourrait le priver de ce droit. Cette faculté sera automatiquement accordée au regard des capacités minimales de l’élève à poursuivre son apprentissage par cette voie.

Analyse de l’efficacité de la mesure : Les rapports annuels sur l’examen du permis de conduire publiés par la Délégation à la Sécurité routière ne mentionnent pas les examens ayant eu lieu à l’issue d’une formation en conduite supervisée. Aucune information n’est disponible sur l’impact d’une telle mesure, aussi bien en termes de nombre de candidats présentés que de volume d’heures effectuées ou de taux de réussite.

Mesure 5 : Développer l’accès à la conduite encadrée.

Détail de la mesure : Il a été décidé d’étendre le dispositif de la conduite encadrée aux titres professionnels du ministère du travail et à ceux de l’éducation nationale et de la jeunesse qui ne visent pas exclusivement les professions de conducteurs routiers, mais pour lesquels l’obtention de la catégorie B du permis de conduire est indispensable pour l’exercice de l’activité professionnelle (ex. : aide aux personnes, artisans opérant des livraisons, etc.).

Analyse de l’efficacité de la mesure : Cette mesure était destinée aux élèves engagés dans un CAP de conducteurs routiers de marchandises, livreurs de marchandises ou livreurs, BAC pro conducteur transport routier de marchandises, etc.). Elle concerne donc un petit pourcentage des candidats qui se forment à la conduite dans le cadre de leurs études.

Mesure 6 : Moderniser l’épreuve pratique.

Détail de la mesure : Expérimentation à partir de janvier 2020 d’une plateforme de réservation en ligne des places d’examen pratique dans 5 départements. Cette plateforme permettra à chacun de réserver sa place d’examen en ligne. L’objectif est de bénéficier de délais maîtrisés, d’une date d’examen choisie à l’avance et ainsi d’augmenter ses
chances de réussite. En connaissant sa date de passage, l’élève est en mesure de mieux adapter la formation nécessaire à sa réussite dès le premier passage.

Analyse de l’efficacité de la mesure : Trois ans après, le début de l’expérimentation, RdvPermis sera généralisé d’ici quelques mois à l’ensemble des départements français. L’impact de RdvPermis sur la prix du permis de conduire est impossible à mesurer. Si les délais de présentation ont légèrement baissé c’est avant tout grâce à l’embauche d’inspecteurs supplémentaires… Quant aux autres objectifs mis en avant (bénéficier d’une « date d’examen choisie à l’avance » et « augmenter ses chances de réussite »), l’outil ne permet pas aux candidats de choisir leur dates et aucun impact sur les taux de réussite n’a été constaté.

Mesure 7 : La mise en place d’une plateforme gouvernementale dédiée au choix de son auto-école.

Détail de la mesure : La plateforme gouvernementale permettra au futur conducteur de sélectionner son auto-école selon ses propres critères de choix, sur la base d’une information claire et transparente. Les écoles de conduite proches de son bassin de vie ou d’emploi seront accessibles sur une carte en ligne via la géolocalisation, soit en utilisant sa position, soit en renseignant une adresse. Échéance prévisionnelle : fin 2019

Analyse de l’efficacité de la mesure : Cette mesure est sans effet. La plateforme a été mise en ligne début 2023, avec 3 ans et demi de retard. Les informations qu’elle comporte sont actualisées tous les 3 mois, ce qui est source de nombreuses erreurs. Par ailleurs, des plateformes telles que VroomVroom.fr offraient déjà ce service et fournissent aux futurs candidats davantages d’informations que le site du Ministère de l’Intérieur.

Mesure 8 : La création d’un livret de formation numérique pour suivre la progression du candidat.

Détail de la mesure : La création d’un livret de formation numérique permettra de renseigner les heures de conduite effectuées par l’élève et de suivre sa progression, documentée par son enseignant, pour planifier au mieux le passage de son examen. Il sera expérimenté à partir du 1er janvier 2020, puis généralisé.

Analyse de l’efficacité de la mesure : Efficacité inconnue, le livret de formation numérique ne devrait être rendu obligatoire que fin 2023-début 2024. Le livret numérique permettra un meilleur suivi de la formation, en revanche son impact sur le prix de la formation reste à démontrer.

Mesure 9 : Abaisser l’âge de passage de l’examen dans le cadre de l’apprentissage anticipé de la conduite.

Détail de la mesure : Si le jeune, titulaire de la catégorie B du permis de conduire, ne pourra conduire seul qu’à sa majorité, il a été décidé, dans le cadre de l’apprentissage anticipé de la conduite, de lui permettre de passer son examen dès l’âge de 17 ans.

Analyse de l’efficacité de la mesure : Inconnue.

Mesure 10 : Adapter les questions du code de la route aux publics et aux enjeux de sécurité routière.

Détail de la mesure : Dans le cadre de ce nouveau marché, la banque de questions sera renouvelée en veillant à ce que les questions soient intelligibles et claires, y compris pour les publics les plus en difficulté.

Analyse de l’efficacité de la mesure : Inconnue.


1 COMMENTAIRE

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici