Travailleurs indépendants : une mission avant l’été

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Avant-hier, mercredi 4 mars, la Cour de cassation a confirmé la requalification en contrat de travail du lien unissant la plateforme Uber et un chauffeur, estimant que son statut d’indépendant n’était « que fictif », en raison du « lien de subordination » qui les unit. Cet arrêt, qui remet en cause le modèle économique de l’entreprise américaine, pourrait bien s’appliquer aux plateformes exerçant dans d’autres secteurs d’activité, et notamment les auto-écoles en ligne. Dans la foulée, la Ministre du Travail Muriel Pénicaud annonçait la mise en place d’une mission et des propositions avant l’été.

Le lien de subordination confirmé

La Cour de cassation, qui est la plus haute juridiction française, a jugé qu’il existait bel et bien un lien de subordination entre un chauffeur travaillant pour la plateforme Uber et l’entreprise américaine du même nom. Elle souligne dans son arrêt que le chauffeur qui a recours à l’application Uber « ne se constitue pas sa propre clientèle, ne fixe pas librement ses tarifs et ne détermine pas les conditions d’exécution de sa prestation de transport ».

Cet arrêt liste plusieurs éléments qui tendent à prouver qu’il existe bien un lien de subordination : le fait que l’itinéraire soit imposé au chauffeur, que la destination lui soit inconnue (« révélant ainsi qu’il ne peut choisir librement la course qui lui convient ») ou encore la possibilité dont dispose Uber de déconnecter le chauffeur si ce dernier refuse trois courses… Pour la Cour de cassation, le chauffeur prend part à « un service organisé de transport dont la société Uber définit unilatéralement les conditions d’exercice ».

Quelles conséquences pour Uber?

Cette décision intervient après qu’Uber se soit pourvu en cassation (début 2019) suite à un arrêt de la Cour d’appel de Paris qui avait estimé que le lien entre l’ancien chauffeur indépendant et la plate-forme américaine était bien un « contrat de travail ». La Cour de cassation rejette ainsi le pourvoi d’Uber et confirme la décision de la Cour d’appel de Paris.

Si cette décision menace le modèle économique de la société américaine, les représentant d’Uber semblent néanmoins rester sereins. Selon son porte-parole, cette décision de la Cour de cassation « n’entraîne pas une requalification immédiate ou automatique de tous les chauffeurs utilisant notre application ». En effet, il faudrait pour cela que l’ensemble des chauffeurs saisissent la justice pour demander la requalification de leurs contrats de partenariat en contrats de travail. En France, seuls quelques 150 chauffeurs ont lancé (ou ont l’intention de lancer) une procédure, soit seulement 0,2 % des chauffeurs passés ou actuels.

Et pour les auto-écoles en ligne?

L’activité des plateformes n’est pas cantonnée au transport de personnes ni à la livraison de repas. Le secteur de l’auto-école est, lui aussi, frappé par l’ubérisation. Comme Uber, certaines auto-écoles en ligne (Ornikar, En Voiture Simone et Le Permis Libre) ont massivement recours aux indépendants. Elles pourraient être – elles aussi – concernées par cet arrêt de la Cour de cassation.

Comme les chauffeurs Uber, les moniteurs « indépendants » des plateformes auto-écoles ne le sont pas complètement :

  • ils sont accompagnés dès le départ par des équipes dédiées qui les aide à monter leur structure juridique, obtenir un véhicule, une assurance, etc… à des conditions négociées par les plateformes ;
  • ils reçoivent des conseils, qui pourraient assez facilement s’apparenter à des consignes (ex: « il est important que vous ouvriez davantage vos plannings »), et dont le non-respect pourrait entraîner des sanctions ou a minima un chantage au « recrutement » de partenaires concurrents ;
  • ils ne fixent pas librement leurs tarifs, ceux-ci sont définis par les plateformes ;
  • ils n’ont pas le choix dans le matériel pédagogique. Ils sont contraints d’utiliser l’application de la plateforme.
  • comme tous les salariés, ils bénéficient d’une formation continue sur l’utilisation des outils qui leurs sont fournis.

Dans l’état actuel du droit, si certains de ces moniteurs indépendants voulaient se retourner contre les auto-écoles en ligne et leur demander d’être requalifiés en tant que salariés, il est probable qu’ils obtiennent gain de cause.

Le nombre d’enseignants de la conduite indépendants étant très inférieur aux VTC et aux livreurs à vélo, ce phénomène restera très marginal.

Une mission parlementaire avant l’été

Dans la foulée de l’arrêt de la Cour de cassation, la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, a annoncé le lancement d’une mission sur le statut des plateformes numériques de services, ainsi que des propositions avant l’été. Si la Cour de cassation s’est prononcée sur le droit en prenant en compte la législation actuelle, il n’est pas exclu que le gouvernement cherche à faire évoluer le droit en légiférant.

L’arrêt de la Cour de cassation ne pourrait être qu’un n-ième rebondissement. Quand aux missions du gouvernement, les auto-écoles savent à quoi s’en tenir


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