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Code au SNU: tout ça pour ça?

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Nous vous en parlions la semaine dernière, la formation au code de la route dans le cadre du SNU semble désormais actée. Une réunion se tenait mardi dernier au Ministère de l’Intérieur en présence des organisations professionnelles et des éditeurs de contenus pédagogiques. Cette réunion a été l’occasion d’en apprendre davantage sur ce qu’envisage la DSR au sujet de ce module « code de la route ». Il ressort de cette réunion une impréparation et méconnaissance de la pédagogie, qui risquent de coûter cher aux finances publiques et d’avoir un effet limité. Nous faisons le point.

À deux mois du lancement de l’expérimentation dans 13 départements pilotes, le temps presse pour finaliser le déroulement du SNU. Pour mémoire, une expérimentation aura lieu en juin 2019 auprès de 2 000 jeunes de 16 ans, tous volontaires, réunis au cours d’un « séjour de cohésion » d’une durée de 15 jours qui se déroulera en dehors de leur département d’origine. Ces élèves seront accueillis dans des lycées, casernes ou autres bâtiments administratifs susceptibles d’accueillir du public. Le SNU sera ensuite généralisé à toute une classe d’âge en 2022-2023.

Une « formation » au code baclée

Initialement fixée à deux jours, la « formation » au code de la route se déroulera finalement sur une journée de 8 heures, dont la moitié sera dédiée à un module de sensibilisation à la sécurité routière. Elle se déroulera par groupes de 30 élèves. En voici le programme détaillé.

Sensibilisation à la sécurité routière (4 heures)
  • Interventions orales réalisées par des pompiers, policiers, agents de la protection civile.
  • Étude de cas autour d’un accident (30-40 minutes).
Formation au code de la route (4 heures)
  • Explication du déroulement de l’examen (30 minutes) ;
  • Cours de code de la route (3 heures).
  • Bilan (20 minutes).

À l’issue de cette journée, les jeunes recevront un accès internet pour pouvoir continuer leur apprentissage (par eux-mêmes) sur une plateforme de révision, ainsi qu’un ticket leur donnant droit de passer l’examen dans le centre de leur choix.

Une expérimentation biaisée et irréaliste

Si l’on met de côté les 4 heures de sensibilisation à la sécurité routière, la formation au code de la route se fera sur 3 heures. Il sera matériellement impossible pour l’enseignant de passer en revue tous les thèmes du code de la route. Il sera également impossible pour les élèves de les assimiler.

Tous les professionnels le savent, l’apprentissage du code de la route prend entre quelques jours (pour les plus motivés) et quelques semaines. Ces 3 heures, seront donc davantage un « module de découverte » qu’une véritable formation.

Par ailleurs, l’expérimentation du SNU semble biaisée et ses résultats devront être regardés avec précaution. Ces jeunes volontaires, très motivés par l’expériences, ne seront probablement pas représentatifs de l’ensemble des futurs 15-25 ans qui se verront obligés d’effectuer ce séjour de 15 jours pendant les vacances scolaires.

Une hérésie en termes de pédagogie…

À l’issue du SNU, les jeunes vont donc se retrouver livrés à eux mêmes avec des accès internet valables un an et un ticket pour passer l’examen. Seule une infime partie d’élèves sur-motivés (et ayant des facilités) pourra obtenir son code de la route dans ces conditions. Pour l’immense majorité, ces avantages offerts seront peu ou mal utilisés et risquent de se traduire, le plus souvent par des échecs à l’ETG.

Pour les organisations professionnelles, cette mesure risque de faire baisser le nombre de formations en conduite accompagnée. En faisant croire aux jeunes (et à leurs parents) que le code leur serait « offert » pendant le SNU, nombre d’entre eux préféreront attendre le SNU (vers 16 ans) plutôt que d’opter pour l’AAC (dès 15 ans). Alors même qu’il est établi que les élèves optant pour l’AAC ont un taux de réussite supérieur à la moyenne et effectuent moins d’heures de conduite en auto-école.

Comme le résume, Lorenzo Lefebvre (élu au comité directeur du CNPA ESR) dans un article récent paru sur le blog de Mediapart : « Ce nouveau parcours de formation dissocie totalement la théorie de la pratique, et va l’inverse de toutes les théories de l’apprentissage. »

… et un gouffre financier pour l’État

En finançant un dispositif mal pensé, l’État va dépenser des sommes importantes pour des résultats limités. Côté dépenses, l’État devra payer :

  1. Les intervenants sur le module Sécurité routière ;
  2. Les enseignants de la conduite sur le module Code de la route ;
  3. Les accès internet ;
  4. Les tickets examen, fournis aux élèves.

Les enseignants de la conduite intervenant dans le cadre du SNU seront choisis au sein d’auto-école labellisées. Des appels d’offre seront passés localement. L’intérêt financier pour les écoles de conduite devrait être limité dans la mesure où, les auto-écoles devront tirer leurs tarifs vers le bas pour être retenues. Par ailleurs, les « séjours de cohésion » se déroulant dans un autre département que celui du lieu de résidence des élèves, les auto-écoles ne pourront donc pas espérer inscrire ces élèves pour la formation pratique.

La fourniture des accès internet relèvera d’appels d’offre qui devraient se faire au niveau départemental. La DSR souhaite associer les auto-écoles en ligne disposant de leur propre contenu pédagogique à ces appels d’offre. Dans ces conditions, il apparaît indispensable que :

  • la plateforme de révision du code de la route soit détenue et gérée par l’État ;
  • les sociétés remportant les appels d’offre aient interdiction d’en faire mention ;
  • ces mêmes sociétés n’aient pas accès aux données personnelles des élèves (ou que celles-ci soient anonymisées).

Si ces conditions n’étaient pas strictement remplies, les données personnelles des élèves pourraient être réutilisées à des fins commerciales. Cela constituerait une entorse grave à la concurrence entre auto-écoles.

En ce qui concerne les tickets examen, il se pourrait là aussi que les sommes dépensées n’aient que peu de résultats. Lorenzo Lefebvre ajoute : « la majorité des jeunes qui prévoient de passer le permis de conduire, par le parcours classique, à 18 ans, vont, soit ne pas passer l’examen alors que le contribuable aura financé leur formation, soit passer l’examen mais devoir participer a plus d’heures de conduite afin de travailler les règles du code de la route apprises deux ans auparavant (les heures de conduite coûtent beaucoup plus que les heures de théorie), soit tenter le passage de l’examen sans s’assurer d’avoir le niveau, ils miseront sur la chance pour profiter de ce cadeau gracieusement distribué et échoueront logiquement. »

Au final, la promesse gouvernementale de faire passer le code de la route pendant le Service national universel semble avant tout dictée par des visées électorale. Cette mesure ne permettra ni de former efficacement les élèves au code de la route ni même de faire baisser le prix de la formation au permis de conduire. Elle se traduira par un surcoût pour les finances publiques… et donc pour l’ensemble des citoyens.






Les propositions de la profession remises au gouvernement

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Une manifestation nationale était organisée hier, 1er avril, à Paris à l’initiative des organisations professionnelles (OP), des réseaux et de collectifs d’auto-écoles non-syndiquées. Cette manifestation a rassemblé un milliers de véhicules environ, sur un parcours reliant la place de la Nation à la place de la République.

Cette manifestation s’est achevée avec la remise d’un ensemble de propositions élaborées par les professionnels, au Ministère de l’Intérieur. Dans un document d’une dizaine de pages dans lequel, OP et collectifs, font des propositions au gouvernement.

Refus de l’agrément national et de Candilib

Ce document rappelle tout d’abord l’opposition aux propositions n°10, 14, 19 et 20 du rapport Dumas qui concernent la portée de l’agrément auto-école ainsi que la désintermédiation de l’examen pratique.

Il demande à ce que les écoles de conduite conservent l’accompagnement des élèves à l’examen pratique « avec un volume de places cohérent avec la réalité et une demande anticipée permettant l’organisation de présentations groupées pour contenir les coûts d’accompagnement ». Il rejette l’extension de l’expérimentation de Candilib dans 15 départements.

Les auteurs du rapport demandent à ce que la définition du candidat libre soit clarifiée : « devrait être considéré comme candidat libre tout candidat qui n’est pas rattaché à une école de conduite et qui n’entre pas dans le cadre d’une formation à titre onéreux ». Les candidats présentés par les plateformes internet (disposant d’un agrément) sont de « faux candidats libres » et n’entrent pas dans cette définition.

Les propositions du rapport Dumas enrichies

Le document reprend ensuite l’ensemble des propositions du rapport Dumas en y apportant des commentaires et des pistes d’amélioration. Il suggère notamment:

  • de revenir sur le fait de faire passer le code au SNU ce qui priverait les écoles de conduite des formations au code de la route et risquerait de faire reculer l’AAC ;
  • si le code au SNU devait être adopté, les cours en présentiel devraient être assurés par des professionnels diplômés ;
  • rendre le livret d’apprentissage obligatoire (éventuellement dématérialisé) dans lequel devrait 20 heures de formation obligatoire en auto-école, mais aussi l’identité du formateur ainsi que le numéro d’agrément de l’école de conduite ;
  • une baisse de la TVA, ainsi que l’étude d’autres moyens de financement, comme un abattement sur les charges patronales ou encore un co-financement par l’État, issu des recettes des radars.
  • de permettre la portabilité du compte professionnel de formation (CPF). Les parents pourraient ainsi faire bénéficier leurs enfants de leurs droits à formation ;

Cette dernière idée nous semble particulièrement intéressante pour faire baisser le coût des formations. Nous l’évoquions déjà en décembre dernier dans un article.

En conclusion, le rapport note que, si certaines propositions du rapport Dumas paraissent acceptables (à condition d’être retravaillées), d’autres – au contraire – sont totalement irrecevables.

Les professionnels de l’éducation routière demandent au gouvernement la mise en place d’une grande conférence nationale sur les modalités de financement du permis, ainsi que l’ouverture d’une concertation (plus spécifique) sur le sujet du label de qualité. De nouveaux rendez-vous sont prévus avec le gouvernement début avril afin d’évoquer ces sujets.






Tous à Paris le 1er avril!

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Une manifestation nationale est organisée ce lundi 1er avril à Paris à l’initiative des organisations professionnelles (CNPA, UNIDEC, UNIC) et de collectifs d’auto-écoles non syndiquées (EECR, DICFER, Auto-école Jaunes, Auto-écoles en colère).

Cette mobilisation intervient dans le prolongement de la manifestation du 11 février à Paris, de celles du 4 mars à Lyon et à Nantes et de celle du 25 mars au Mans.

Comme nous vous l’indiquions en février, il est de plus en plus évident que les propositions du rapport Dumas-Guerini n’avaient de « proposition » que le nom, tant la mise en place de certaines mesures semble avancée.

  • l’extension de l’expérimentation Candilib,
  • l’agrément national (défendu puis abandonné?),
  • l’affaire Le Permis Libre en passe d’être classée sans suite,
  • le code au SNU et ses conséquences.

Les raisons pour se mobiliser ne manquent pas! La lassitude et la résignation ne sont pas des options.

Pour marquer notre refus de ces réformes dangereuses et mortifères,

Tous à Paris le 1er avril!

Pour défendre exiger le respect de la législation sur l’enseignement de la conduite,

Tous à Paris le 1er avril!

Pour défendre l’enseignement de la conduite, de qualité et de proximité,

Tous à Paris le 1er avril!


Code au SNU: quelles conséquences?

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Dans leur rapport, remis au Premier Ministre au mois de février, les députés Dumas et Guerini proposaient de « prévoir un temps collectif d’échange pour l’apprentissage du code de la route et donner la possibilité à tous les jeunes de présenter l’épreuve théorique générale lors de la phase obligatoire du service national universel » (proposition n°5).

Sans attendre la fin du Grand débat national, comme cela avait pourtant été annoncé, le gouvernement semble avancer sur la mise en place de certaines proposition.

Le code au Service national universel

Le futur Service national universel (SNU) prendra la forme d’un mois obligatoire* vers 16 ans suivi d’un engagement plus long sur la base du volontariat. Une phase pilote avec 3 000 volontaires dans 13 départements aura lieu en juin 2019. La généralisation du dispositif pourrait avoir lieu en 2022-2023.

Son organisation est pilotée par le Secrétaire d’État auprès du Ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, Gabriel Attal. Ce dernier a déclaré en février sur Europe 1 : « dès la phase pilote de juin prochain, les jeunes auront leur code de la route gratuitement ».

À terme, l’organisation devrait être la suivante :

Le passage du code de la route au SNU.

Des appels d’offres ouverts aux plateformes

Pour faire passer l’examen du code de la route pendant le SNU, l’État devra disposer:

  • d’un ou plusieurs prestataires fournissant les accès internet ;
  • d’une banque de données de questions pour dispenser les cours en présentiel, pendant le SNU.

Pour ce faire, l’État procédera par appel d’offre.

Un premier appel d’offre a d’ores et déjà été lancé par la DSR pour disposer des questions. Celui-ci est relativement limité, il porte sur 200 questions. Ces questions seront utilisées dans les 13 départements pilotes, pendant la phase d’expérimentation.

Les éditeurs de contenus pédagogiques « historiques » que sont ENPC, EDISER et Codes Rousseau ont été invités à y participer… mais aussi qu’Ornikar et En Voiture Simone. La DSR considère donc depuis peu ces deux auto-écoles en ligne comme des éditeurs de contenu. En effet, après avoir un temps acheté des questions et des livrets aux Codes Rousseau, ces plateformes disposent depuis quelques années de leurs propres banques de questions.

D’autres appels d’offres devraient intervenir par la suite, lorsque le SNU sera généralisé, afin de fournir aux élèves les accès internet. Il semble improbable que l’ensemble du marché soit confié à un seul et unique acteur. Ces appels d’offre pourraient donc être réalisés à l’échelle départemental.

Quelles conséquences?

Les conséquences du passage du code au SNU sont nombreuses, pour l’ensemble des parties prenantes. Attention, il s’agit là des conséquences attendues lors de la mise en place du SNU en 2022-2023!

Pour les écoles de conduite

Les écoles de conduite seront directement impactées par le mise en place de cette mesure. Après avoir perdu la main sur la présentation à l’examen théorique, ces dernières devraient perdre la formation à l’examen théorique (et les revenus des prestations qui y sont attachées).

Certaines catégories d’élèves devraient néanmoins continuer à se former en auto-école. Les personnes âgées de 21 ans ou plus (qui auraient passé le code au SNU sans passer la conduite), les personnes en annulation de permis, les élèves étrangers, les élèves d’autres catégorie que la catégorie B, etc…

Pour les éditeurs de contenu

L’impact sur les éditeurs de contenu « historiques » dépendra grandement des orientations qui sont prises concernant le ou les appels d’offres pour la fournitures d’accès internet et de leur caractère national ou départemental.

La présence des plateformes risque d’obliger ces acteurs à revoir leurs tarifs à la baisse afin de conserver leurs parts de marché. La part de leur chiffre d’affaires réalisé sur la formation au code de la route devrait reculer. Elle pourrait cependant être compensée par la vente d’autres produits (tels que les simulateurs par exemple).

Pour les opérateurs d’examen du code

La déclaration de Gabriel Attal (« les jeunes auront leur code de la route gratuitement ») laisse entendre que les élèves présentés à l’ETG pendant leur SNU n’auront pas à débourser les 30€ de redevance actuellement payés aux opérateurs privés. Plusieurs possibilités :

  • soit les examens seront organisés par IPCSR et/ou des personnels encadrants du SNU. Dans ce cas là, la perte de chiffre d’affaires pour les opérateurs risque d’être très importante ;
  • soit l’organisation des examens pendant le SNU continuera à être confiée aux opérateurs privés. L’attribution des marchés devrait alors probablement là aussi passer par des appels d’offres.
Pour les auto-écoles en ligne

Aussi paradoxal que cela puisse paraître, les auto-écoles en ligne pourraient être les grandes perdantes du passage du code au SNU. Aujourd’hui, Ornikar et En Voiture Simone attirent un grand nombre de candidats en leur promettant une formation pas chère et un taux de réussite élevé (relire l’article que nous consacrions à ce sujet en août 2018). Ces candidats vont ensuite, pour la plupart, se former en auto-école de proximité.

Si les coûts liés la formation au code de la route sont pris en charge par l’État, ces plateformes ne pourront plus miser que sur la formation à la conduite où leur avantage concurrentiel est moindre. Les sommes perçues dans le cadre des appels d’offres pourraient ne pas compenser le manque à gagner.

Pour les élèves

La grande majorité des élèves devrait économiser le coût de la formation au code de la route… Cependant, comme indiqué précédemment, certains élèves en seront exclus (ce qui pose la question de l’égalité de traitement des citoyens par l’État).

Par ailleurs, les élèves ne payeront pas forcément moins cher leur formation au permis de conduire. En effet, le SNU aura lieu vers 16 ans. La majorité des élèves passant le permis après 18 ans, ces derniers auront probablement oublié certaines notions qu’il faudra retravailler au moment de la formation pratique. Cela engendrera un nombre plus important de leçons de conduite, donc un surcoût.




* Il s’agit en réalité de deux périodes de quinze jours.




Arrêté du 20 mars 2019 modifiant l’arrêté du 21 décembre 2005 modifié fixant la liste des affections médicales incompatibles avec l’obtention ou le maintien du permis de conduire ou pouvant donner lieu à la délivrance de permis de conduire de durée de validité limitée

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Veille juridique Auto-école

Modification du contenu du stage fixé à l’annexe 2 de l’arrêté du 21 décembre 2005 modifié fixant la liste des affections médicales incompatibles avec l’obtention ou le maintien du permis de conduire ou pouvant donner lieu à la délivrance de permis de conduire de… Lire la suite


Arrêté du 19 mars 2019 modifiant l’arrêté du 8 juin 2017 relatif au contrôle technique routier des véhicules lourds

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Veille juridique Auto-école

Contrôle technique routier approfondi des véhicules ayant une vitesse par construction supérieure à 25 km/h et relevant des catégories définies par la directive 2003/37/CE du Parlement européen et du Conseil et par la directive 2007/46/CE. Cet arrêté modifie les… Lire la suite


Arrêté du 5 mars 2019 portant prorogation du titre professionnel d’enseignant de la conduite et de la sécurité routière

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Veille juridique Auto-école

Le titre professionnel d’enseignant de la conduite et de la sécurité routière est prorogé. Il est enregistré dans le répertoire national des certifications professionnelles pour une durée de six mois à compter du 29 avril 2020 au niveau 5 du cadre national des certifications professionnelles et dans le domaine d’activité 311u (code NSF).

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Françoise Dumas, VRP des auto-écoles en ligne

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Dans un entretien accordé la semaine dernière à La Dépêche du Midi, la député du Gard François Dumas déclarait « je ne suis pas là pour faire le jeu des plateformes » (lire l’article en intégralité ici). Malgré ces paroles rassurantes à destination des professionnels, il semblerait que l’élue LREM agisse discrètement en coulisse pour favoriser l’émergence des auto-écoles en ligne. En dépit de toute logique et contre les intérêts des élèves.

Consciente de la très grande indignation suscitée par son rapport et de la mobilisation des professionnels – syndiqués et non syndiqués –, la député Dumas a pris les devant ce lundi (18 février) en envoyant des éléments de langage aux députés qui seraient sollicités par les auto-écoles en vue d’entretiens. Nous avons eu accès à cet email et nous en publions certains extraits en exclusivité.

Ces « éléments de précision » concernent les deux mesures les plus contestées du rapport (qui sont accessoirement les plus en faveur des plateformes) : la portée nationale de l’agrément et la désintermédiation de l’attribution des places d’examen (en clair, la mise en place de la plateforme Candilib). Ces éléments sont non seulement erronés mais ils témoignent également d’un parti pris incompréhensible.

1) la portée nationale de l’agrément

Dans l’email envoyé à ses collègues députés, Madame Dumas développe plusieurs points.

Après avoir rappelé que les auto-écoles avaient besoin d’un agrément pour exercer, l’élue gardoise indique que « pour se développer et proposer ces prestations, les auto-écoles en ligne ont besoin d’un agrément national ». Ce faisant, Mme Dumas se positionne en lobbyiste, défendant les intérêts des nouveaux acteurs.

La portée nationale de l’agrément n’a dès lors plus rien à voir avec le fait de rendre le permis « plus accessible », elle doit être mise en place pour permettre aux auto-écoles en ligne de « se développer » (sic). Plutôt que de contraindre 3 auto-écoles à respecter des règles fixées pour les 13 000 auto-écoles, il est donc envisagé de changer les règles au détriment de 13 000 auto-écoles, le tout en s’appuyant sur une jurisprudence fragile car non définitive (cf. point 4) et sur l’analyse – forcément politique – de la DSR et de la DGCCRF.

L’objectif d’étendre la portée de l’agrément est donc de donner le champ libre aux plateformes. Cette déréglementation s’accompagnera d’une baisse des contrôles et in fine par l’impossibilité pour l’État de faire respecter la loi. Lorsqu’Ornikar aura 100 000 élèves en cours de formation, est-ce que l’État sera prêt à retirer l’agrément en cas de manquement à ses obligations? Too big to fail, nous connaissons déjà la réponse…

Les auto-écoles en ligne ont une portée nationale, personne ne le conteste. Pour mettre auto-écoles en ligne et auto-écoles de proximité sur un pied d’égalité, il serait logique de maintenir la portée départementale de l’agrément et de contraindre les auto-écoles en ligne à ouvrir des locaux dans chaque ville dans lesquelles elles s’implantent. Pour ces auto-écoles en ligne qui réalisent des millions d’euros de chiffre d’affaires, la contrainte n’était pas insurmontable.

2) L’inscription des élèves en candidats libre

Le système actuel (la « méthode nationale d’attribution des places d’examens », MNA) est critiqué par la députée car trop favorable aux établissements les plus anciens… et pas assez aux nouveaux acteurs. Comme indiqué dans un article récent, sans même attendre la remise du rapport l’expérimentation de la plateforme Candilib sera prochainement étendue… malgré des résultats discutables.

Ici encore, la député Dumas prend clairement le parti des auto-écoles en ligne, dont le modèle économique est basé sur le candidat libre. Face à la multiplication du nombre de « faux » candidats libres (candidat formés en auto-école – traditionnelle ou en ligne – et présentés en candidat libre) il serait préférable de redéfinir précisément ce qu’est un candidat libre et de modifier la MNA.

Une solution envisageable aurait été d’attribuer les places d’examen en fonction du nombre d’enseignant en ETP, qu’ils soient salariés ou indépendants. Cette solution aurait été juste et équitable, pour les auto-écoles traditionnelles et pour les auto-écoles en ligne. Au lieu de cela, il a été décidé d’encourager les plateformes… en dépit du bon sens. Pourquoi?

Une concurrence ni loyale ni transparente

Dans son entretien à La Dépêche du Midi, Françoise Dumas ajoute « la concurrence risque d’être plus sévère pour les auto-écoles traditionnelles… Il s’agira d’une concurrence loyale et transparente ». Malheureusement, cette concurrence ne sera ni loyale, ni transparente.

  • la concurrence ne sera pas loyale tant que les auto-écoles en ligne n’auront pas les mêmes charges que les auto-écoles de proximité. Tant que les auto-écoles de proximité se verront imposer un local (avec toutes les charges afférentes) alors que les auto-écoles en ligne peuvent se permettre d’avoir un seul et unique local pour tout le territoire.
  • la concurrence ne sera pas loyale tant que les auto-écoles de proximité devront payer des charges sociales alors que les auto-écoles en ligne pourront avoir recours aux moniteurs indépendants. Plutôt que de niveler les salaires par le bas et précariser une profession, il serait préférable d’imposer aux auto-écoles en ligne de salarier leurs moniteurs. C’est le cas d’auto-ecole.net qui dispose de moniteurs salariés et d’agences dans une vingtaine de villes de France.
  • enfin, la concurrence ne sera pas transparente tant que les pouvoir publics (la DGCCRF en particulier) toléreront les pratiques commerciales discutables qui consistent à afficher des taux de réussite « gonflés » et de brandir ces derniers comme argument commercial.

Des pistes de réforme qui font que des perdants

Si ces mesures devaient être mises en œuvre, elles ne feraient que des perdants… ou presque.

  • Les auto-écoles et leurs gérants dont un grand nombre seront obligés de fermer face à la concurrence déloyale des plateformes ;
  • Les enseignants de la conduite, dont les auto-écoles auront fermé, qui seront contraint de s’inscrire en tant qu’indépendant sur les plateformes et, à terme, précarisés ;
  • l’État, les Finances publiques et les collectivités territoriales. La baisse du prix du permis et la fermeture des établissements de proximité entraînera une baisse des recettes fiscales (TVA, CFE) et des cotisations (URSSAF), mais également une désertification de certains centre-villes ;
  • les élèves, à double titre.

Ne bénéficiant pas d’un suivi personnalisé, les élèves (futurs conducteurs), seront moins bien formés. Ce qui aura pour conséquence (1) d’entraîner davantage d’échecs à l’examen pratique et (2) de faire d’eux des conducteurs moins sûrs, plus susceptibles d’être impliqués dans des accidents.

Dans le cadre de la mise en place de Candilib, le rapport parlementaire préconise de rendre les présentations payantes, à partir de la deuxième. Un élève qui échouerait une première fois devra donc reprendre des leçons de conduite et repayer, jusqu’à l’obtention du permis… ce qui pourrait devenir très coûteux. Si, comme c’est probable, le système venait à s’engorger, on passerait alors d’un système où les délais étaient, certes, longs où mais la présentation gratuite à un système où les délais seront longs et la présentation payante! Le coût de reviens d’un examen pour l’État étant de 61€, le tarif de l’examen sera forcément supérieur, ce qui signifie des frais de présentation compris entre 150 et 200€, location du véhicule et frais d’accompagnement inclus… multiplié par le nombre de présentations.

« Accessibilité », qu’il disaient…


Candilib: la DSR à l’heure de la start-up nation

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Parmi les 23 mesures avancées par le rapport Dumas pour « augmenter l’accessibilité du permis de conduire », deux d’entre elles font l’objet d’une forte opposition. La première concerne l’inscription de la portée nationale de l’agrément dans le code de la route (proposition n°10). La seconde suggère de « désintermédier l’attribution des places de l’examen pratique en mettant en place un calendrier en ligne pour l’intégralité du territoire national, à l’instar de l’expérimentation en cours pour les candidats libres » (proposition n°19).

Le rapport dévoile l’existence d’un plateforme baptisée Candilib (dont l’identité visuelle et le nom rappellent Doctolib, une start-up spécialisée dans la prise de rendez-vous auprès des professionnels de santé).

Capture d’écran du site beta.gouv.fr

Candilib, une start-up d’État

Le projet est lancé par la DSR à l’été 2018, et une version beta est testée en Seine-Saint-Denis depuis le mois de juillet dernier. Il est confié à Philippe Bron (responsable Lab Innovation), Dominique Lequepeys (consultant chez Octo Technology, filiale d’Accenture) et Frédéric Gillodes (responsable de l’ETG à la DSR). La plateforme Candilib est listée comme « start-up d’État. »

Selon la description qu’en fait la DSR dans le rapport parlementaire, le fonctionnement est simple : « chaque candidat reçoit un mail avec son identifiant lui indiquant qu’il peut s’inscrire sur l’agenda. Il dispose d’un accès à l’intégralité des plages disponibles des examinateurs du permis de conduire dédiées aux candidats libres. Le candidat s’inscrit dans l’agenda et réserve ainsi son créneau. Il est libre de se présenter ou non. »

Des résultat toujours inférieurs à la moyenne

Le rapport Dumas détaille les résultats de l’expérimentation menée à Paris et en Seine-Saint-Denis de juillet à octobre 2018 (voir tableau ci-dessous).

Il ressort de ces chiffres que (1) sur 234 créneaux réservés seuls 211 candidats ont été examinés, soit 10% des candidats ne se sont pas présentés ou n’ont pu être examinés (véhicule non conforme, défaut de documents, autre…) et (2) que sur ces 234 candidats, seuls 105 ont été reçus, soit un taux de réussite inférieur à 45% (pour mémoire, les taux de réussite sur les départements 75 et 93 étaient respectivement de 49% et 57% en 2017).

Par ailleurs, les chiffres avancés par le rapport sont faussés dans la mesure où certaines auto-écoles, en manque de place d’examen, ont incité leurs élèves à se présenter sur Candilib. Sans ces élèves, il est à parier que le nombre de candidats reçus lors de l’expérimentation aurait été bien inférieur…

Des économies comme justification principale

Si, selon le rapport Dumas, « le premier bilan de l’expérimentation Candilib est positif », le principal argument en sa faveur semble être d’ordre financier. En effet, « la mise en place, au niveau national, à terme, d’une solution de désintermédiation complète aura pour effet de libérer une partie des 300 postes de répartiteurs (ETP). La mission estime que 150 équivalents temps plein (ETP) pourraient être redéployés sur des missions plus prioritaires au service de la sécurité routière. »

Candilib permettra-t-il au Ministère de l’Intérieur de faire des économies? Rien n’est moins sûr. Le taux de réussite des candidats libres étant inférieur de 15 points à la moyenne des candidats présentés en auto-école (chiffres du Bilan du permis de conduire 2017), si le modèle du candidat libre venait à se généraliser, le nombre d’examens devrait fortement augmenter… ainsi que le nombre d’IPCSR nécessaires pour les faire passer! À moins, bien sûr, que l’examen soit privatisé (ce qui est pour l’instant exclut du rapport Dumas) ou de fixer le prix de la représentation à un tarif supérieur à 61€ (prix de revient d’un examen pour le Ministère).

Une décision déjà actée?

Le rapport précise que « si la voie d’une désintermédiation pour l’ensemble des candidats (candidats libres ou présentés par une école de conduite) n’était in fine pas retenue ; pour la mission, il convient à tout le moins de généraliser l’applicatif « candilib » pour l’ensemble des candidats libres qui se présentent à l’épreuve pratique sur le territoire. ». La référence est limpide. Le rapport semble oublier la définition d’un « candidat libre », ce qui exclut de fait les candidats formés sur les auto-écoles en ligne, disposant d’un agrément.

Dès lors, il semble évident que la décision a été prise (avant même la rédaction du rapport) et que l’application sera généralisée – sous une forme ou sous une autre – et seul son périmètre reste à définir. Plusieurs éléments tendent à aller dans ce sens:

  • Candilib est listée parmi les « start-up en accélération » sur beta.gouv.fr ;
  • Les noms de domaine candilib.fr et candilib.com ont été réservés (en vue d’une prochaine mise en ligne?) ;
  • Selon nos informations, une réunion a eue lieu le 4 février (avant même la remise du rapport parlementaire) à la DSR au sujet de Candilib. Cette réunion avait pour objet les améliorations à apporter à la plateforme en vue d’une extension de l’expérimentation à d’autres départements. Le directeur technique d’Ornikar, Alexandre Barreira, était présent à cette réunion.

Un fiasco programmé

La généralisation de Candilib, si elle semble inévitable, risque de poser des défis considérables. En effet, l’ensemble des candidats en cours de formation vont vouloir s’inscrire à l’examen dès la mise en place du système (certains avant même d’avoir effectué 20 heures de conduite), et le système risque de se retrouver très vite saturé.

Des phénomènes similaires à ceux constatés avec la privatisation de l’ETG vont voir le jour : certains candidats réserveront une place d’examen « pour voir ». Ils se présenteront sans leur dossier, sans accompagnateur, dans des véhicules non conformes, etc… Pour éviter que les délais de présentation (et de représentation) ne deviennent interminables, les IPCSR n’auront d’autre choix que de baisser leur niveau d’exigence et donner le permis à des élèves mal formés et potentiellement dangereux.

Sans souhaiter de mal à personne, nous pourrions nous retrouver dans quelques mois dans un pays où les malades réserveront sur Doctolib et les futurs accidentés de la route réserveront leur place d’examen… sur Candilib. Triste époque.


Les organisations professionnelles reçues à Matignon le 14 février

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La semaine qui vient de s’écouler a été riche en événements. Dans le prolongement de la manifestation nationale de lundi et de la remise du rapport parlementaire par la députée du Gard Françoise Dumas le lendemain, les représentants des organisations professionnelles étaient reçues hier matin à Matignon, par Monsieur Antoine Saintoyant (Conseiller économie, finances, industrie auprès du Premier Ministre).

Cette réunion a été l’occasion pour les représentant des organisations professionnelles de réaffirmer plusieurs points.

1) L’opposition à l’ubérisation, qui met en danger de nombreux établissements et qui est synonyme de précarité pour toute une profession, ainsi que du modèle de société ultra-libéral et déshumanisé qu’elle sous-tend.

2) La nécessité de faire respecter les décisions de justice et de la législation avec (1) la fermeture du « Permis Libre », en application de la décision du Tribunal administratif de Lyon du 20 novembre 2018, et (2) la mise en place de contrôles effectifs contre le travail au noir et en dehors du cadre des établissements d’enseignement de la conduite (moniteurs exerçant sur Le Bon Coin).

3) L’existence de solutions concrètes pour faire baisser le coût de la formation au permis de conduire avec (1) la baisse de la TVA à 5,5% pour rendre le permis de conduire plus abordable, (2) l’affectation des recettes issues des radars au budget de formation des Français, ou encore des dispositifs permettant d’accroître la lisibilité des aides dans lesquels les auto-écoles joueraient un rôle de guichet unique.

4) La « dangerosité » de certaines mesures proposées dans le rapport Dumas et la nécessité de les abandonner, en particulier (1) l’inscription de la portée nationale de l’agrément dans le code de la route et (2) la possibilité pour les élèves de pouvoir décider seuls de leur inscription à l’examen pratique.

Le communiqué publié par le CNPA à l’issue de la réunion précise que « cette réunion marque le début de la concertation que lancera le Gouvernement dès la semaine prochaine, et jusqu’à la fin du mois de mars, pour débattre avec les professionnels de l’éducation routière de la réforme du permis de conduire. Les modalités de la réforme du permis de conduire seront annoncées à la suite de cette concertation, au plus tard au début du mois d’avril » (à la fin du Grand Débat national). Ces réformes seront prises par décret et ne feront pas l’objet de vote par le Parlement.

Les organisations professionnelles s’impliqueront dans cette concertation, menée par le Délégué interministériel à la Sécurité routière, Emmanuel Barbe, sous l’égide de Matignon et des ministères parties prenantes à cette réforme, et « veilleront à ce que les mesures qui seront actées à l’issue de ce processus soient favorables tant au pouvoir d’achat qu’à la qualité de l’éducation routière ». Elles souhaitent également que cette concertation mette en exergue l’importance des contrôles effectués au niveau départemental, et de faire respecter la réglementation.

Voir la vidéo publiée par l’UNIC à l’issue de la réunion à Matignon.